Discours liminaire prononcé le 30 septembre 2024 par Christine Coren-Gasperoni pour le groupe DSES.
Guerre, rigueur, gronde sociale, discrédit politique et choc du réchauffement climatique. Les temps sont durs et les choix douloureux, en témoigne le seul sujet à l’ordre du jour de cette Assemblée départementale. Nous allons ensemble prendre acte, sans vote, mais non sans émotion, du début de la fin du ski à Métabief. Il fallait en avoir le courage politique, c’est le sens de l’histoire. Une décision qui s’impose.
Cela était programmé, mais aussi avancé sans aucune concertation. Ni avec les élus, ni avec les commerçants, ni avec les habitants. Vous êtes allés vite pour décider la fermeture de 30% du domaine skiable, le modèle d’évolution d’une station de moyenne montagne cité en exemple de transition climatique a été rattrapé par la réalité du réchauffement climatique et la situation budgétaire. Et c’est douloureux d’en sentir ses effets concrets. Difficile à croire aussi. On ne veut pas y croire.
Pourtant, les canons à neige sont indispensables depuis déjà plusieurs décennies. Aujourd’hui, l’artifice ne suffit plus. Entretenir et porter à bout de bras une station condamnée coûte beaucoup trop cher aux contribuables. Nous devons nous résoudre à stopper la fuite en avant. C’est dur, mais énoncer l’équation de manière froide parait limpide : plus assez de neige, plus de ski. Tout simplement. Il faut maintenant en faire progressivement le deuil et accompagner tout ceux que cela impactent et qui se retrouvent dans une situation délicate.
Cela fait déjà longtemps que nous vous alertons sur la dérive financière du Département qui allouait, sans compter des millions d’euros chaque année au SMMO pour combler son déficit. De l’argent public distribué, de surcroit, de manière non réglementaire Mais de tout cela, nous aurons l’occasion d’en débattre longuement après la présentation du rapport sur l’évolution de la station de Métabief.
Sans nier l’importance de la décision que nous allons prendre ce matin, et pardon de le dire, mais aujourd’hui, c’est plutôt le cri de douleur sourd des professionnels de la protection de l’enfance qui manifestent en ce moment devant l’hôtel du Département qui nous bouleverse davantage que le bruit des cloches et la restriction du domaine skiable dans une station où il ne tombe plus assez de neige.
J’exprime au nom de tous mes collègues notre émotion après l’agression d’un agent du CMS de Valdahon poignardé dans l’exercice de ses fonctions. Nous lui adressons tout notre soutien ainsi qu’à tous les agents du Département. Nous dénonçons à l’unisson des syndicats la dégradation des conditions de travail de l’ensemble du secteur médico-social et la faillite du système de protection de l’enfance.
La Mission d’Information et d’Évaluation souhaitée par notre groupe sur la politique de l’enfance a permis d’appréhender la complexité de cette politique et d’identifier certains dysfonctionnements propres à notre Département. Vous aviez associé un plan d’urgence ASE au vote de la mise en place de cette MIE. Or, force est de constater que 6 mois plus tard, les résultats n’en sont pas probants.
J’en rappelle ici les engagements :
– Extension de 10 places MECS,
– Création d’une structure expérimentale de 6 places,
– Expérimenter les mesures d’AEMO Renforcées,
– Création d’une pouponnière de 12 places,
– Création de 50 mandats de PEAD,
– Lancement du processus d’externalisation des visites médiatisées,
– Lancement du cycle de concertation ARS/Justice.
Je vous le demande Madame la Présidente. Qu’avons-nous fait depuis le 18 mars dernier ?
Nous vous mettons une nouvelle fois en garde, comme nous l’avons fait pour les rivières déjà. Attention aux effets d’annonce et aux plans de communication qui ne sont pas suivis d’effets. Personne n’est dupe. Et au-delà de votre crédibilité, c’est toute celle de la classe politique qui est en jeu. Les citoyens ont de plus en plus de mal à accorder leur confiance à leurs représentants. Cela devrait tous nous inquiéter.
Nous n’avons aucunement la volonté de créer des polémiques de toute pièce, de théâtraliser des coups politiques ou de communiquer sur tout, sur n’importe quoi et n’importe comment avec un seul et unique prisme : tenter d’exister en vous nuisant. Nous préférons exercer notre rôle en tant que groupe minoritaire : vous alerter sur des sujets qui nous semblent d’intérêt général puis exposer notre point de vue publiquement si nous constatons que nous ne sommes pas entendus, que nous n’avons pas de réponses à nos questions ou que vous manquez clairement de transparence.
Et des questions, nous vous en avons posés en commission à propos des rumeurs qui étaient parvenus à nos oreilles : la suppression de 45 postes dans notre collectivité. Nous avons eu des réponses : il s’agit d’un plan de maitrise de la masse salariale qui concerne la suppression de 45 ETP sur 3 ans, hors direction enfance et collège avec l’objectif d’une économie budgétaire de 2M€.
Ce chiffre est assez cocasse et fait bien pâle figure quand on le met en face du budget que la collectivité a consacré au SMMO et à la Saline royale d’Arc et Sennans. Ce qui nous interpelle aussi madame la Présidente, c’est d’apprendre ce plan par des bruits de couloir. Vous n’en avez jamais fait mention, ni en commission, ni dans le comité social territorial, le CST qui a justement la charge de l’examen des questions collectives de travail ainsi que des conditions de travail dans notre collectivité. Nous attendons votre réponse madame la Présidente sur ce manque de transparence. Pourquoi n’en avons-nous pas été informé dans cette instance ou en commission ?
Nous vous le demandons de manière digne. Ce n’est pas le cas de de toutes les oppositions. La trumpisation de la vie politique se généralise à tous niveaux. Nous le disons avec force et gravité : certaines postures salissent le débat public. Derrière les articles de la presse qui s’en fait des choux gras et ceux qui prennent le train en marche, l’image renvoyée par ces outrances est désastreuse. Cela abime profondément la démocratie.
La politique n’est ni un jeu, ni un spectacle, ni une foire au populisme. Ce ne sont pas les polémiques qui fondent la politique, mais des débats sereins, argumentés et contradictoires pour élaborer la meilleure prise de décision.
Cela devrait d’autant nous alerter dans ce temps politique pour le moins singulier. Pour notre part, et celles des électeurs de nos sensibilités politiques, nous ne pouvons acquiescer la nomination du gouvernement Barnier. Nous avons affaire à une véritable anomalie démocratique très inquiétante où la coalition arrivée en tête n’a même pas eu l’opportunité de tenter de former un gouvernement.
Alors que le camp macroniste n’a plus de majorité à l’Assemblée depuis 2022 et a été obligé d’user de façon très abusive du 49-3 pour imposer sa politique, qu’il a subi 2 défaites cinglantes aux élections européennes puis législatives, le Président de la République tente de poursuivre sa politique à tout prix alors que les Français l’ont rejetée de manière claire.
Pour ce faire, le Président, défait et en incapacité de gouverner seul, s’adjoint les services d’un Premier Ministre issu des Républicains, un parti en déroute qui, lors du 2ème tour des législatives, n’a obtenu que 5.41% des suffrage. Ce gouvernement des perdants est largement composé de personnalités issues de la droite, voire pour un certain nombre de la droite dure. Les macronistes y occupent aussi une place importante.
Alors à votre avis, que pensent les électeurs de gauche qui se sont mobilisés massivement pour porter le Nouveau Front Populaire arrivé en tête des élections législatives et qui constatent comment cette victoire est traitée ? A votre avis, comment se sentent les électeurs, de droite ou de gauche, qui ont voté au deuxième tour pour un candidat qui n’est pas de leur bord politique afin de faire barrage à l’extrême droite et qui constatent, in fine, la nomination d’un gouvernement en sursis et sous surveillance aigüe du Rassemblement National ?
Tout a été fait pour discréditer le Front Populaire et empêcher que ses idées et son programme puissent se concrétiser. Ce qui fait peur en premier chef à la droite, et nous l’avons constaté ici même, c’est l’instauration d’une politique fiscale plus juste. Le budget de l’État dérape et l’une des raisons évidentes en est la faiblesse des recettes fiscales. La baisse des impôts conduite depuis 2017 et qui bénéficie d’abord aux plus aisés et aux entreprises a été une erreur politique et budgétaire documentée.
Ne pas le reconnaitre, c’est faire preuve d’un dogmatisme dépassé ou appuyer sans le dire ouvertement une politique qui soutient les plus riches au détriment des plus pauvres. L’État se prive de plusieurs dizaines de milliards de recettes fiscales sans que cela ne profite au plus grand nombre. Cela grève le budget, comme ici au département, où vous avez choisi de soutenir pour plusieurs millions d’euros par an une station de ski et la construction d’une salle à la Saline Royale d’Arc et Senans pour plus de 10M€.
Les Français ont bien compris que ce sens des priorités n’était pas le leur en plaçant en tête le Nouveau Front Populaire. Mais contre la volonté des urnes qui plébiscitait la recherche de ressources supplémentaires en taxant davantage les plus fortunés et les entreprises qui ont bénéficié de la crise pour engranger des bénéfices records, la mission principale de ce nouveau gouvernement sera de dégager des économies et mener une cure d’austérité. La gauche et les écologistes arrivent en tête, mais c’est la droite qui gouverne et impose sa politique. Cherchez l’erreur.
L’austérité impactera évidemment les Départements et vous annoncez d’ores et déjà un plan d’économies pour 2025. Une autre surprise que nous avons appris par hasard… Dans le même temps, vous réclamez à raison plus de moyens à l’État, qui se défausse sur les collectivités pour mener ses actions tout en les accusant d’être la cause du déficit public. Mais comment voulez-vous que l’État dégage des moyens supplémentaires pour les Départements si, de l’autre côté, vos formations politiques refusent toute augmentation des impôts pour les plus riches du pays ?
Nous savons que les dépenses des Départements, qui supportent la prise en charge des politiques sociales, des personnes âgées et handicapées vont augmenter. Tout occupé à résoudre une équation impossible et proposer un casting improbable, l’équipe gouvernementale avait même oublié de nommer un secrétaire d’État au handicap après les jeux olympiques et paralympiques mémorables que nous avons vécus. À la suite des diverses critiques et pressions qui se sont fait entendre, depuis vendredi, la nomination d’une secrétaire d’Etat chargée du handicap est le p’tit truc en plus de ce gouvernement raillé par le monde entier.
Et aujourd’hui, une Doubienne se retrouve à un poste important de ce gouvernement improbable. Annie Genevard, maintenant ministre de l’Agriculture. Les associations environnementales ont déjà fait part de leur crainte après la nomination de la députée du Doubs en raison de ses prises de position en faveur de l’agriculture intensive et de ses liens personnels avec le syndicat majoritaire agricole. Du fait du regard local déterminant qu’elle pourra poser sur les problématiques du département et de l’agriculture en général, nous serons vigilants et nous l’encourageons à poursuivre et amplifier les efforts menés pour sauver les rivières et trouver les réponses appropriées pour soutenir les éleveurs qui doivent faire face aux problèmes causés par le loup.
Dans ce climat morose et en ce mois de rentrée, nous saluons l’inauguration du collège de Bethoncourt et la rénovation de plusieurs collèges. Comme on dit, mieux vaut tard que jamais.