Madame la Présidente, chers collègues,
Nous sommes réunis ce jour, entre autres, pour acter l’effort que la collectivité réalise pour les collèges. Et quand je pense à nos jeunes, difficile de ne pas s’inquiéter devant le triste constat d’un monde qui semble, jour après jour, de moins en moins soutenable, de plus en plus hostile. Mais quel avenir sommes-nous en train de leur construire ?
Je ne voudrais pas m’y habituer ni me résigner à ce triste constat, mais comme je l’ai déjà fait lors de notre Assemblée de juin, je débuterai mon propos en élargissant la focale pour revenir ensuite à l’échelle départementale, et même jusqu’à nos rues.
Nous ne pouvons agir localement sans prendre en compte la situation globale, faire comme si de rien n’était. Presque à chaque fois, les habitants que je rencontre évoquent de plus en plus leurs inquiétudes sur le devenir de notre pays, mais aussi leurs craintes sur la situation internationale.
Nous en sommes maintenant au point où des avions de guerre russes pénètrent sans autorisation l’espace aérien de pays européens membres de l’OTAN et où des drones mystérieux et hostiles survolent des aéroports civils et militaires presque tous les jours.
Au niveau diplomatique, la reconnaissance de l’État de Palestine par la France et d’autres pays vient enfin consacrer, pour l’heure et symboliquement, la possibilité d’une solution à deux États. Ce n’est jamais que l’application de la résolution 181 de l’ONU de 1947. Sur le terrain, cela implique que tous les protagonistes reconnaissent mutuellement la légitimité de l’autre à exister et à cesser toute violence.
Le génocide en cours en Gaza, officiellement reconnu lui aussi par une commission d’enquête de l’ONU, connait des répercussions partout, y compris ici. La polémique autour de l’interdiction de la venue ou non d’un auteur au Salon du livre de Besançon pose la question du périmètre de la liberté d’expression et de la censure.
On s’interroge aussi sur quels drapeaux une collectivité peut hisser ou non. Des cris d’effroi retentissent quand les couleurs de la Palestine sont levées en solidarité envers son peuple opprimé. À côté, l’étendard ukrainien peut flotter tranquillement. Il est pourtant accroché pour les mêmes raisons, et il l’a longtemps été dans cet hémicycle. L’argument de la neutralité ne tient pas une seconde et on se demande bien quelles sont les raisons de ces deux poids deux mesures.
On pourrait pointer la même hypocrisie concernant le dérèglement climatique ou la préservation de l’environnement. On ne peut faire mine de s’inquiéter de ses conséquences si on favorise dans le même temps ses causes.
Sur ce sujet, il faut reconnaitre à Donald Trump une certaine cohérence dans ses ignominies. Lui ne fait pas semblant. Il déclare à la tribune de l’ONU que le changement climatique est la plus grosse arnaque jamais menée contre le monde et que les énergies renouvelables ne sont qu’une blague. Pour lui, la seule vérité qui tienne, c’est la sienne, fluctuante. Peu importe les études scientifiques, les conséquences de ce discours inconséquent alimentent les climato-septiques et toutes les formes d’extrémismes.
C’est un danger mortel. Les dirigeants et irresponsables politiques malhonnêtes doivent être discrédités, ceux qui n’ont pas conscience de l’immensité des efforts à accomplir doivent être informés et agir en conséquence, ceux qui sont sidérés et paralysés doivent être accompagnés dans leur actions, soutenus par les pouvoirs publics et portés par l’élan citoyen.
Nous venons de franchir une autre limite planétaire, la septième sur les neufs. Ce sont les seuils définis par les scientifiques pour garantir un environnement sûr et stable à l’humanité sur le long terme. Aujourd’hui, c’est l’acidité des océans qui rend moins facile la fabrication de squelettes en calcaire et réduit la capacité des océans à absorber du CO2.
Nous avons déjà franchi hier celles du changement climatique, l’érosion de la biodiversité, le changement d’usage des sols, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, le cycle de l’eau douce et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, comme les polluants et le plastique. Les deux seules qui ne sont pas dépassées sont la charge en aérosols atmosphériques et la couche d’ozone, sauvée par une volonté politique mondiale décidée dans les années 1980.
L’action est encore possible. Et nous pouvons tous espérer que la pluie qui tombe partout cesse d’être chargée par les pesticides que l’on retrouve dans les nuages qui passent au-dessus de la France métropolitaine, comme les dernières découvertes l’affirment.
Le ciel est sombre aussi pour la situation politique du pays, décidément bien étrange. Un Premier ministre est nommé, mais il n’a toujours pas formé de gouvernement. Le pouvoir s’enferme dans son mutisme, paralysé et incapable de reconnaitre sa défaite, son incapacité à gouverner le pays et à trouver des compromis. Rien n’avance, il n’y a pas de décret sur certaines lois, nous ne savons pas si un budget pourra être adopté. Tout cela nous touche tous. Voilà ce qui bloque le pays.
Il y a des économies à faire bien sûr, nous avons un État suradministré. Mais il y a surtout des recettes à trouver. Comment ne pas comprendre la colère des citoyens quand on sait que les plus riches contribuent proportionnellement moins à l’impôt que tous les autres français ? Que l’État n’est même pas en mesure de calculer l’argent phénoménal qu’il verse aux entreprises ?
Rien ne sera possible sans justice fiscale. À en croire les sondages, l’instauration de la taxe Zucman est largement plébiscitée, quelle que soit la couleur politique. Est-ce que nos élus nationaux sont conscients du ressenti de leurs électeurs ? Décident-ils sans s’en soucier ? Rares sont ceux qui essaient d’avoir l’avis des électeurs de leur circonscription. Faudra-t-il une nouvelle pétition nationale pour que les politiques réagissent ?
L’image renvoyée est désastreuse. Celles de partis qui préfèrent sabrer encore dans les dépenses, sacrifier l’école, l’hôpital et tous les services publics déjà moribonds parce qu’ils ne veulent pas chercher de nouvelles recettes. Ils agissent par idéologie, par clientélisme et ne servent pas l’intérêt général, mais celui des grandes fortunes. Et cela apparait maintenant au grand jour.
La roue tourne. La justice fait son travail et condamne lourdement un ancien Président de la République accusé de faits d’une gravité extrême : une association de malfaiteurs en vue de financer une campagne présidentielle avec l’argent d’un dictateur Lybien. On peut s’interroger sur le mandat de dépôt différé avec exécution provisoire, loin d’être exceptionnel pour ce type de peine, ou sur une innocence encore présumée, bien que Nicolas Sarkozy ait déjà été condamné définitivement sur d’autres dossiers. Il s’agit surtout de remettre les choses dans leur contexte. Ce que les juges ont jugé, c’est la reconnaissance d’un pacte de corruption au plus haut niveau possible et qui serait restée dans l’ombre sans le travail acharné de quelques journalistes.
Tout cela n’est pas réjouissant surtout quand la presse locale se fait l’écho d’autres affaires de justice concernant des élus. Cela jette encore plus l’opprobre sur les responsables politiques en minant davantage encore la confiance que le peuple porte à ses représentants. Mais que dire également de ceux qui condamnent les juges au lieu de condamner les faits.
Tout aussi historique : la pétition contre la loi Duplomb, qui visait à lever les contraintes au métier d’agriculteur. Plus de 2.5 millions de citoyens qui font l’effort de s’authentifier sur le site de l’Assemblée nationale pour s’insurger d’une loi dangereuse pour l’environnement et demander son retrait, c’est inédit. C’est un signe encourageant qui démontre que la démocratie peut être plus puissante que l’industrie agro-alimentaire et les lobbys des pesticides. Le vivant n’a pas dit son dernier mot.
Il ne faut pas se leurrer non plus de cette semi-victoire. Les partisans de la loi ont usé de tous les moyens pour la défendre, n’hésitant pas à dénigrer ceux qui menaient le combat pour l’abolir. Pire, les politiques qui ont contesté sans arguments valables les avis éclairés des scientifiques qui, courageusement, ont dénoncé les effets toxiques sur l’environnement et nos organismes de produits couramment utilisés dans nos champs.
En attendant le débat à l’Assemblée nationale rendu possible par le succès de cette pétition, le Conseil constitutionnel a déminé la situation en censurant la réintroduction de l’acétamipride, qui cristallisait une bonne part de l’attention. Mais la loi Duplomb, ce n’est pas que cela. Il en reste aujourd’hui l’essentiel : allégement des procédures pour l’élevage intensif et les méga-bassines, mainmise sur l’Anses et l’OFB notamment. La loi promulguée est toujours une menace pour l’environnement.
Ce n’est pas parce que nous soulevons des problèmes liés à certaines pratiques agricoles, y compris chez nous, pour la production du comté par exemple, que nous ne soutenons pas les éleveurs et tous les agriculteurs. Leur métier est difficile et essentiel. Et c’est parce qu’il est difficile et essentiel que nous devons tous le soutenir et œuvrer pour le rendre le plus vertueux possible.
Nous sommes en phase avec beaucoup de revendications et de constats exprimés vendredi dernier encore. L’alimentation et les produits agricoles ne sont pas des biens de consommation comme les autres. Et à ce titre, ils devraient être exclus du traité de libre-échange du Mercosur qui induit une concurrence déloyale et facilite l’importation de produits qui ne respectent pas les normes sanitaires ou environnementales que l’on exige en France et en Europe.
Comme s’il n’y en avait déjà pas assez, une menace terrible se rapproche toujours plus dangereusement. La dermatose nodulaire décime déjà des troupeaux dans des départements tout proches et cinq exploitations du Doubs sont désormais placées sous surveillance. Pour éviter la propagation de cette maladie, les différentes manifestations qui rassemblaient nos Montbéliardes, les comices et « vaches de salon » ont été annulées. Cette suppression logique était attendue par nombre d’éleveurs qui, pour certains, ne se seraient de toute façon pas déplacés pour ces moments de fête que sont les comices. Suppression aussi pour marquer notre solidarité avec ces éleveurs savoyards qui ont tout perdu et nous exprimons notre sincère compassion envers tous les éleveurs touchés par cette tragédie.
Le département entend améliorer son soutien à l’agriculture locale en expérimentant en 2026 un groupement de commandes pour la fourniture de viandes et de produits laitiers à nos collèges. C’est déjà une bonne chose, mais pour que les collégiens mangent aussi des légumes locaux, il sera nécessaire de réfléchir aux aides que le Département pourrait apporter au développement des maraîchers par exemple. C’est dans l’objectif de pouvoir émettre nos propositions et faire émerger un véritable débouché public à cette filière pour l’heure délaissée que nous proposerons lors de la commission permanente de cet après-midi la candidature d’un membre de notre groupe pour siéger à la chambre d’agriculture et représenter le département.
Au niveau des investissements dans les collèges on peut comprendre que certains travaux soient décalés au vu des difficultés financières que l’on rencontre. Il est pourtant nécessaire de revoir les priorités et de revoir l’ordre au niveau de la programmation. Quid du collège d’Hérimoncourt qui pourrait être prioritaire quand on sait que des problèmes structurels nécessitent la pose d’étais pour le consolider ?
Madame la Présidente, lors de l’Assemblée de juin vous aviez annoncé un grand programme pour la rentrée : « Cap Jeunesse ». Je reprends vos paroles : « lancer une démarche ambitieuse, exigeante et ouverte ». Nous attendions un rapport à ce sujet lors de cette Assemblée de septembre. On ne l’a pas eu. Mais nous sommes sûrs que cela ne restera pas lettre morte, vu tout ce que vous avez évoqué lors du liminaire en juin.
Toutefois, si vous êtes en mal d’inspiration, nous avons déjà une proposition à vous soumettre pour vous aider à poser la première pierre de ce CAP jeunesse que nous appelons avec vous. Il y a quelques années, vous aviez supprimé le Pass’Sport, puisque l’État l’avait lui aussi mis en place. Aujourd’hui, il ne l’accorde plus que pour les 14 – 17 ans. À nous de le rétablir pour l’ensemble de nos collégiens, ce serait déjà une première action forte de ce Cap Jeunesse.
Nous avons déjà eu aussi l’occasion de dénoncer le désengagement du département concernant la prévention spécialisée. Nous en connaissons maintenant les conséquences : plus que trois équipes à Besançon sur les six initiales. Il ne reste plus que Planoise, Montrapon-Saint-Claude et Palente Orchamps. Les quartiers de l’Amitié, de Clair-Soleil et Battant ne sont plus couverts. C’est cocasse quand on entend dans le même temps le premier vice-président du département se plaindre du climat particulier qui règne dans ce même quartier Battant.
À PMA, il n’y a plus que 11 ETP sur les 16 postes initiaux. Les villes d’Audincourt, Seloncourt, Hérimoncourt, Bavans, Voujeaucourt, Bart, Sainte Suzanne, Etupes, Fesches-Le-Chatel, Dampierre-les-Bois et de Badevel ne sont plus couvertes. Sur Montbéliard, il n’y a plus que les quartiers de la Chiffogne et du parc qui sont couverts, car l’équipe intervenant à la Petite Hollande est aussi supprimée.
Et comme si cela ne suffisait pas, en 2026 le Département se désengagera des jeunes dès le premier jour de leurs 18 ans, contre 21 ans auparavant. Cela n’a pas beaucoup de sens, et beaucoup d’autres départements qui font intervenir la prévention spécialisée auprès des jeunes âgés jusqu’à 25 ans, l’ont bien compris. Une réflexion s’impose !
Madame la Présidente, sur un sujet un peu plus technique, nous nous interrogeons aussi sur le glissement de certains dossiers de l’ordre du jour de l’Assemblée départementale publique au profit de la Commission permanente qui se déroule à huis clos. Par exemple en 2023, l’avis sur le SCOT du Haut-Doubs passait en Assemblée. Aujourd’hui celui sur le SCOT du Grand Besançon passe en commission permanente, nous ne voyons pas de cohérence. Deux territoires, deux modes de traitement différent. C’est un exemple et nous en avons d’autres qui devraient donc avoir leur place en débat d’Assemblée, par exemple la définition de la stratégie du tourisme du territoire qui engage la collectivité.
Ce serait une mesure de transparence, comme lorsque nous vous demandons plusieurs fois des documents en votre possession et que vous ne souhaitez pas délivrer. Des audits sont par exemple réalisés par la collectivité au niveau de différentes structures. Vous nous en faites la synthèse lorsque nous le demandons. Mais pour nous cela n’est pas suffisant. C’est l’audit dans son ensemble que nous voudrions travailler. Nous pourrions nous aussi en faire une synthèse qui pourrait être identique à la vôtre, ou différente. Je rappelle simplement que cette demande ne repose jamais que sur le Code général des collectivités territoriales.
Le droit est parfois tatillon, mais on ne peut s’en écarter, sous peine de sombrer dans l’arbitraire et de s’adonner à de graves dérives. Ce droit est dévolu à l’opposition afin qu’elle puisse exercer son rôle de contrôle.
Il existe d’autres rouages, d’autres contre-pouvoirs essentiels en démocratie pour contrôler l’exécutif et garantir la bonne utilisation de l’argent public : la Cour des comptes et ses antennes locales. Nous avons à l’ordre du jour le « Rapport de la chambre régionale des comptes sur les collectivités territoriales face aux enjeux de leur patrimoine monumental en Bourgogne Franche-Comté ». Plusieurs monuments de notre Département sont concernés, avec évidemment la Saline d’Arc-et-Senans. Et dans le cadre de ses contrôles, la CRC questionne fortement la gestion quelque peu opaque de l’EPCC Saline Royale. Le rapport spécifique concernant cet établissement n’est pas présenté dans cette Assemblée. Ce document, vous le savez, nous interroge beaucoup et pointe de graves dysfonctionnements, dont ceux que nous avons déjà évoqués ici concernant la société Musicampus. Et nous sommes loin d’être les seuls à être troublés. Nous espérons avoir l’occasion d’en débattre aujourd’hui.
Je vous remercie pour votre écoute