Discours liminaire du 17/11/25

Discours de Raphaël Krucien prononcé lors de l’Assemblée Départementale du 17 novembre 2025. Sont notamment abordés les difficultés financières des Départements et les différentes solutions, l’annonce de la saisine de la CADA pour obtenir les marchés publics de construction de la salle multimodale de la Saline Royale que l’exécutif refuse de communiquer et une proposition claire pour donner un cap au soutien du Département au territoire : conditionnalité des aides PAC à des critères environnementaux, sociaux et aux indices de santé financière des autres collectivités.

Madame la Présidente, chers collègues,

Il y a dix ans, la France était frappée au cœur. Le 13 novembre 2015, des vies ont été brutalement arrachées, des familles brisées, et notre pays plongé dans l’effroi et la sidération. Aujourd’hui, nous nous recueillons pour honorer la mémoire des 130 victimes de ces attentats barbares, ainsi que celle des centaines de blessés.

Ces femmes et ces hommes, jeunes pour la plupart, étaient des pères, des mères, des enfants, des amis, des collègues. Ils étaient venus partager un concert, un match, un verre en terrasse, ou simplement profiter d’une soirée parisienne. Ils incarnaient la joie de vivre, la liberté, la diversité et la fraternité.

Ce sont ces valeurs qui font de notre société ce qu’elle est, et ce qu’elle doit rester. La France s’est levée, unie dans la douleur mais déterminée à résister contre la haine et la violence.

Liberté, Egalité, Fraternité !

J’ouvre aussi une parenthèse, pour exprimer notre indignation à la suite de l’insulte proférée en conseil régional, à l’un de nos sénateurs. Chacun sait, a quelle période de l’histoire ce qualificatif renvoie. Si les débats publics peuvent être parfois âpres, rien ne justifie de basculer à ce point dans la haine.

Aujourd’hui, un autre pilier de notre République vacille : notre modèle social, menacé par les politiques d’austérité qui se profilent avec insistance à l’horizon.

Notre collectivité, le Département, est celle des solidarités.

C’est nous qui assurons le versement du RSA aux plus démunis, de la PCH aux personnes handicapées, de l’APA aux personnes âgées en perte d’autonomie.

C’est nous qui accompagnons les plus vulnérables pour leur permettre une vie digne. Et c’est aujourd’hui la soutenabilité même de ce modèle qui est questionnée.

Les Départements peinent, année après année, à boucler des budgets de plus en plus contraints. Le modèle de financement n’est plus viable, il n’a plus aucun sens et ne correspond pas à la réalité de ses missions. Nous n’avons plus aucun levier fiscal, des recettes dépendantes de fractions de TVA (écrêtée par l’état) et du marché immobilier, pendant que nos dépenses sociales explosent.

Le constat est ancien et unanime.

Les réponses de l’État, elles, restent insuffisantes, incohérentes.

Vous avez entendu comme moi Madame la Présidente les annonces incomplètes du Premier ministre vendredi à Albi lors de la clôture des Assises des Départements de France qui dénoncent tous une véritable asphyxie.

Entre baisse des recettes et hausse des dépenses, les Départements ont subi en deux ans un effet-ciseaux de 5.9 milliards d’euros.

Quel est le remède proposé par l’Etat ? Doubler un fonds de sauvegarde à 300 millions d’euros… pour 104 départements. Même à 600 millions, c’est une goutte d’eau. Et encore, si la loi de finances est adoptée ! A cette heure, 60 départements seront probablement en incapacité de financer leurs politiques.

D’autres mesures sont annoncées, comme le dépôt d’un projet de loi en décembre pour créer une « allocation sociale unique » pour rapprocher la prime d’activité, le RSA et les aides au logement. Si cette réforme promise depuis 2017 allait au bout, elle devrait permettre des économies de gestion et réduire considérablement le taux de non-recours aux prestations sociales.

Mais si cela se fait à budget constant, comment ne pas craindre un nivellement par le bas ?

Si le diagnostic fait consensus, les solutions, elles, révèlent les clivages politiques.

A droite, on propose de réduire les dépenses, d’alléger les prestations sociales que certains considèrent comme un fardeau. En somme : rogner sur le modèle social.

La gauche, elle, accepte de réfléchir aux dépenses, mais affirme que l’essentiel du travail pour rétablir l’équilibre doit venir des recettes, notamment via l’instauration d’une politique nationale de justice fiscale et une réforme des droits de succession pour garantir la pérennité du modèle social.

Je souhaite citer ici les mots de notre collègue Jean-Luc Gleyze, Président de la Gironde, Président du groupe des Départements de gauche prononcé à Albi vendredi dernier, que vous avez entendu comme moi Madame la Présidente, et que je souhaite partager à tous ici. En espérant que cela puisse nous inspirer et nous éviter de dériver vers moins d’humanité.

« Certains départements préfèrent compter les euros dépensés pour les plus fragiles plutôt que de demander des comptes à ceux qui en ont trop. La solidarité n’est pas une dépense, c’est un investissement sur l’avenir : celui d’une société qui refuse de laisser qui que ce soit sur le bord du chemin ! »

C’est cette vision qui doit nous guider.

Oui, la solidarité, tout comme la prévention, ce ne sont pas des dépenses mais un investissement sur l’avenir.

Si l’Etat entend véritablement aider les Départements, il doit garantir une compensation des allocations de solidarités, il doit nous redonner une autonomie fiscale réelle et suffisante pour nous permettre de mener des politiques volontaires sans compromis sur l’exercice de nos compétences propres, il doit taxer les superprofits des autoroutes pour financer les routes départementales, il doit porter une loi organique pour garantir le financement des collectivités locales et affirmer leur place dans le processus de décentralisation.

Notre politique de solidarité, c’est le cœur de notre engagement en tant que conseiller départementaux.

C’est aussi celle que nous exprimons aujourd’hui envers les agriculteurs touchés par la dermatose nodulaire contagieuse. Une maladie terrible : un animal touché et c’est tout le troupeau qui doit être abattu pour éviter la propagation.

Nous voulons redire notre soutien total aux éleveurs du département, dont nous connaissons l’attachement profond à leurs bêtes. J’ai ce matin une pensée particulière envers mon voisin d’assemblée, dont l’exploitation se situe tout près des foyers du Jura.

Nous espérons tous que les mesures prises permettront d’épargner le Doubs de ce fléau. Et nous n’oublions pas que nous sommes déjà concernés et impactés par les zones de protection et de surveillance qui incluent presque la moitié des communes du Doubs.

Nous avons quelques interrogations sur la matérialisation concrète du dispositif de soutien qui sera voté, et nous y reviendrons tout à l’heure.

J’ai également déposé une motion visant à soutenir nos partenaires associatifs du secteur social et médico-social, comme nous le faisons pour la filière lait cru.

Leurs difficultés sont connues, structurelles, et aujourd’hui critiques : manque de trésorerie, de personnel, de moyens. Beaucoup ne tiennent que grâce à la conscience professionnelle de salariés dévoués, qui travaillent dans des conditions dégradées.

Tout cela ne peut plus tenir. Nous ne pouvons pas laisser ces structures s’effondrer dans le silence. Elles exercent à nos côtés les missions liées à nos champs de compétences propres, que ce soit sur la protection de l’enfance, l’insertion, le handicap, l’autonomie, le maintien à domicile.

Nous vous demandons, chers collègues, de voter avec nous cette motion pour marquer notre solidarité et démontrer notre soutien envers nos partenaires.

L’enjeu est vital.

Il s’agit de sécuriser les missions de service public dont nous avons la responsabilité.

Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, le recentrage sur nos compétences obligatoires est une nécessité.

Vous n’avez pas souhaité mettre à l’ordre du jour de cette Assemblée, l’examen de notre demande de mission d’information et d’évaluation sur l’aide optionnelle au développement économique que vous portez.

Vous annoncez cependant dans les orientations budgétaires une évaluation de ce dispositif avec les EPCI, c’est déjà une bonne chose. Peut-être le début de la reconnaissance d’un problème ?

Vous savez que nous critiquons fortement ce dispositif. Pour nous, ce n’est qu’un saupoudrage aléatoire d’argent public, sans critères pertinents, sans vision économique globale. De nombreux dossiers d’aides seront votés tout à l’heure en cession non publique.

Nous aurons l’occasion d’en débattre lors de la prochaine Assemblée, en plus des nombreux autres sujets qui nous occuperons.

Et s’il est un sujet qui nous occupe, c’est bien celui de la Saline.

Vous avez refusé d’en débattre lors de notre dernière Assemblée. Je ne peux pas vous laisser dire, vous ou d’autres, que nos paroles sont des contre-vérités au sujet de la Saline et de la société Musicampus sans réagir. Nous avons raison. Et vous le savez très bien.

Ce débat est départemental. C’est le département qui est le principal soutien de la Saline.

Le département y consacre d’ailleurs plus du quart de son budget culturel. Sans même évoquer les investissements, nous consacrerons en fonctionnement plus de 1.5M€ à la Saline sur un total de 4.4M€ de crédits de fonctionnement dédiés à la culture en 2025.

Alors que ces crédits baissent par rapport à 2024, la part de la Saline, elle, augmente ! Et nous n’aurions pas le droit d’en parler ici ?

Cela nous interroge beaucoup sur la vision culturelle départementale que vous portez, ainsi que sur la considération accordée aux nombreux acteurs qui font vivre la culture ailleurs sur le territoire.

Nous accueillons plutôt favorablement l’orientation vers une culture plus populaire.

Cependant, nous sommes très réservés sur les risques de concurrence que cette programmation pourrait faire peser sur les salles des musiques actuelles doubiennes et sur les salles du Jura, qui évoluent sur le même créneau.

J’y ajoute les festivals, et j’en veut pour témoin la dernière émission de FR3 Franche-Comté, ou les festivals témoignent de leurs difficultés face à la concurrence subventionnée et privée.

Dans un souci de respect envers ces partenaires, nous réclamons une réelle concertation.

Nous souhaitons un plein succès à votre nouvelle politique de production de concerts.

Nous espérons qu’elle permettra d’accroitre les recettes propres de l’EPCC et, ce faisant, de réduire les subventions qui lui sont allouées afin de mieux irriguer la scène culturelle locale dans sa diversité.

Et il faut dire les choses, vous n’aviez pas vraiment le choix. Face à l’échec de Musicampus, il fallait bien trouver une solution pour amortir les investissements massifs, plus de 10 millions d’euros, engagés dans la salle multimodale. Pour quels usages réels ?

Notre rôle n’est pas de dénigrer la Saline. Nous reconnaissons sa qualité et je ne cesse de le dire.

Notre rôle, Madame la Présidente, est de contrôler l’action de l’exécutif. Et avec la Saline et Musicampus, de nombreux éléments posent question.

C’est pour cela qu’il nous est impossible de nous taire sur ce sujet.

Il ne s’agit pas d’agiter des mots d’ordre populistes, comme certains veulent le faire croire. Il s’agit de contrôler la bonne utilisation de l’argent public et de rétablir la vérité.

Je n’entrerai pas ici dans tous les détails, mais ce rapport, public et accessible en ligne, mérite d’être lu par chacun.

Pour tenter de clarifier la situation, l’EPCC a adopté une grille des prestations facturées à la SAS Musicampus.

Mais cette grille soulève elle-même de nouvelles interrogations, que je réserve dans un courrier qui vous sera adressé rapidement.

D’autre part, en février 2023, nous vous avons demandés plusieurs documents, dont le marché public de construction de la salle multimodale d’Arc-et-Senans.

Vous avez préféré organiser la venue du directeur de la Saline, ce qui était intéressant mais loin de répondre réellement à toutes nos demandes.

Depuis la publication du rapport de la CRC, les doutes sur le périmètre exact de ce qu’a financé le Département dans la Berne Est, entre la salle multimodale, les bureaux, les studios, se renforcent.

J’ai donc renouvelé ma demande.

Je dois vous dire que je ne m’attendais pas à une telle réponse.

Un samedi, dans ma boîte aux lettres personnelle, j’ai découvert une lettre du Département, deux jours avant le conseil d’administration de la Saline.

C’était votre réponse : quelques feuilles imprimées, une synthèse des étapes de passation du marché. En clair : un nouveau refus de communiquer le marché public, pourtant demandé.

Qu’y a-t-il dans ces documents pour justifier ce refus répété ?

Je vous le dis avec clarté : nous voulons ces marchés.

Je prends donc acte de votre refus et vous informe devoir saisir la CADA, la Commission d’accès aux documents administratifs, pour obtenir la communication de ces pièces.

Mais j’aimerais finir par une note positive.

Le débat qui nous intéresse aujourd’hui est celui des orientations budgétaires. Au nom du groupe, je me permets de vous suggérer une piste.

Refondons notre dispositif de soutien au bloc communal.

Nous n’avons plus les moyens d’aider sans compter.

Donnons-nous un cap pour dynamiser notre territoire. Nous ne pouvons plus aider pour aider. Nous devons réfléchir à l’impact de notre soutien.

Voici une idée simple à étudier et à affiner avec tous nos partenaires : engager une réflexion sur la conditionnalité des aides PAC à des critères environnementaux, sociaux et aux indices de santé financière des autres collectivités.

Aujourd’hui, cela n’a plus aucun sens de soutenir de la même manière un projet qui nous permet de mieux répondre aux défis du futur que celui qui ne le fait pas.

Aujourd’hui, cela n’a plus aucun sens d’aider une commune ou une communauté de communes plus riche de la même manière qu’une autre qui l’est beaucoup moins. Cela est d’autant plus vrai, que nous, départements, sommes la strate la plus en difficulté.

En effet, il faut tenir.

Merci pour votre attention.

Moins d’éducateurs de rue et demande d’une mission d’information sur l’aide aux entreprises

Lors de l’Assemblée départementale du 29 septembre, nous avons mis en lumière les conséquences concrètes de la réduction du budget de la prévention spécialisée. Contrairement aux affirmations de la présidente, cette baisse n’est pas de 250 000 €, mais bien de 450 000 €.

Sur le terrain, cette décision se traduit par :

–             La suppression de trois équipes à Besançon, laissant les quartiers de l’Amitié, de Clair-Soleil et de Battant sans couverture.

–             La disparition de l’équipe intervenant à la Petite Hollande à Montbéliard.

–             Une réduction drastique des effectifs sur le Pays de Montbéliard Agglomération (PMA), passant de 16 à 11 ETP.

–             L’abandon de 11 communes (Audincourt, Seloncourt, Hérimoncourt, Bavans, Voujeaucourt, Bart, Sainte-Suzanne, Étupes, Fesches-le-Châtel, Dampierre-les-Bois et Badevel)

Ces éducateurs sont pourtant des acteurs précieux sur ces territoires. En autres aux abords des collèges dont bon nombre se trouvent aujourd’hui démunis.

Le nord du département, particulièrement marqué par les friches industrielles, pourrait par ailleurs bénéficier d’une mesure simple : l’exonération de la part départementale de la Taxe d’Aménagement pour les entreprises qui s’installeraient sur ces friches.

Cette proposition, que nous portons depuis 2023, permettrait de soutenir les entreprises tout en préservant l’environnement en limitant l’artificialisation des terres agricoles. Pourtant, la majorité départementale ignore cette possibilité, malgré son potentiel pour dynamiser l’économie locale. On pourrait commencer par en mesurer l’impact sur les finances départementales.

Nous déplorons une politique économique se résumant en un guichet distributeur d’aides. Il semble que ces aides sont versées sans cohérences pour des projets dont on peine à mesurer la pertinence pour notre collectivité.

Dans le sillage de la commission d’enquête sénatoriale sur les aides aux entreprises, nous avons demandé l’ouverture d’une mission d’information et d’évaluation du dispositif de développement économique du Département.

Nous aimerions aussi un accompagnement plus équilibré de l’agriculture départementale, très largement orientée sur l’élevage, pour plus de diversification. À titre d’exemple, sur 1,1 M€ de subvention versée à l’agriculture ce 29 septembre, nous avons 65 148 € pour des projets « transitions agroécologiques des productions végétales » et 4 685 € pour des producteurs de légumes.

Pour accélérer cette transition, nous avons proposé, sans succès, la candidature d’un élu de notre groupe pour représenter le Département à la chambre interdépartementale d’agriculture.

Nous aurions souhaité aussi aborder la situation de la Saline Royale et ses liens avec la société Musicampus, mais la présidente nous en a empêché. La chambre régionale des comptes relève pourtant de nombreuses irrégularités juridiques, certaines pouvant caractériser des infractions, tout en jugeant le modèle économique irréaliste.

Ce débat concerne tous les contribuables du Doubs, d’autant que le Département consacre plus d’un quart de son budget culture à la Saline Royale.

Un soutien irrégulier de Musicampus par l’EPCC Saline Royale

Christine Bouquin refuse d’organiser un débat public essentiel sur la gestion de l’EPCC Saline Royale et ses liens troubles avec Musicampus.

Pourtant, ce débat ne saurait se limiter au huis clos du conseil d’administration de l’EPCC, il concerne tous les contribuables du département. Principal contributeur de l’EPCC, le département du Doubs consacre plus d’un quart de son budget culture à la Saline Royale.

D’ailleurs, après l’Assemblée départementale du 29 septembre, un rapport de la commission permanente, non public, prévoyait la modification des statuts de l’EPCC, notamment pour y intégrer l’organisation des académies précédemment portées par Musicampus.

La présidente du conseil départemental et de l’EPCC ne peut se retrancher derrière les propos du préfet de région qui affirme que la création de Musicampus ne constitue pas une anomalie juridique. Tout ce que nous disons s’appuie sur le rapport sans équivoque des magistrats de la chambre régionale des comptes, qui y détaillent de nombreuses irrégularités juridiques, certaines pouvant caractériser des infractions.

Musicampus n’est pas seulement un échec commercial. Cette entreprise, présidée par le directeur de l’EPCC Saline Royale, bénéficie d’un soutien irrégulier et peu transparent de la part de ce même établissement public.

C’est la dérive d’un projet privé qui devait rapporter des recettes à l’EPCC, mais qui, au fil du temps, a mobilisé toujours plus de ses ressources : mise à disposition gratuite de personnel et de locaux, allègements de charges, et même financement des académies de musique, enregistrement des masterclass et des concerts à la charge de l’établissement public.

Cette situation rappelle douloureusement le scandale de l’ADAT. À l’époque, le procureur de la République avait déjà dénoncé le manque de contrôle du Département. Aujourd’hui, face à cette nouvelle affaire impliquant un autre de ses satellites, une question s’impose : les leçons ont-elles été tirées ?

Discours liminaire, AD 29-09-25, par Claude Dallavalle

Madame la Présidente, chers collègues,

Nous sommes réunis ce jour, entre autres, pour acter l’effort que la collectivité réalise pour les collèges. Et quand je pense à nos jeunes, difficile de ne pas s’inquiéter devant le triste constat d’un monde qui semble, jour après jour, de moins en moins soutenable, de plus en plus hostile. Mais quel avenir sommes-nous en train de leur construire ?

Je ne voudrais pas m’y habituer ni me résigner à ce triste constat, mais comme je l’ai déjà fait lors de notre Assemblée de juin, je débuterai mon propos en élargissant la focale pour revenir ensuite à l’échelle départementale, et même jusqu’à nos rues.

Nous ne pouvons agir localement sans prendre en compte la situation globale, faire comme si de rien n’était. Presque à chaque fois, les habitants que je rencontre évoquent de plus en plus leurs inquiétudes sur le devenir de notre pays, mais aussi leurs craintes sur la situation internationale.

Nous en sommes maintenant au point où des avions de guerre russes pénètrent sans autorisation l’espace aérien de pays européens membres de l’OTAN et où des drones mystérieux et hostiles survolent des aéroports civils et militaires presque tous les jours.

Au niveau diplomatique, la reconnaissance de l’État de Palestine par la France et d’autres pays vient enfin consacrer, pour l’heure et symboliquement, la possibilité d’une solution à deux États. Ce n’est jamais que l’application de la résolution 181 de l’ONU de 1947. Sur le terrain, cela implique que tous les protagonistes reconnaissent mutuellement la légitimité de l’autre à exister et à cesser toute violence.

Le génocide en cours en Gaza, officiellement reconnu lui aussi par une commission d’enquête de l’ONU, connait des répercussions partout, y compris ici. La polémique autour de l’interdiction de la venue ou non d’un auteur au Salon du livre de Besançon pose la question du périmètre de la liberté d’expression et de la censure.

On s’interroge aussi sur quels drapeaux une collectivité peut hisser ou non. Des cris d’effroi retentissent quand les couleurs de la Palestine sont levées en solidarité envers son peuple opprimé. À côté, l’étendard ukrainien peut flotter tranquillement. Il est pourtant accroché pour les mêmes raisons, et il l’a longtemps été dans cet hémicycle. L’argument de la neutralité ne tient pas une seconde et on se demande bien quelles sont les raisons de ces deux poids deux mesures.

On pourrait pointer la même hypocrisie concernant le dérèglement climatique ou la préservation de l’environnement. On ne peut faire mine de s’inquiéter de ses conséquences si on favorise dans le même temps ses causes.

Sur ce sujet, il faut reconnaitre à Donald Trump une certaine cohérence dans ses ignominies. Lui ne fait pas semblant. Il déclare à la tribune de l’ONU que le changement climatique est la plus grosse arnaque jamais menée contre le monde et que les énergies renouvelables ne sont qu’une blague. Pour lui, la seule vérité qui tienne, c’est la sienne, fluctuante. Peu importe les études scientifiques, les conséquences de ce discours inconséquent alimentent les climato-septiques et toutes les formes d’extrémismes.

C’est un danger mortel. Les dirigeants et irresponsables politiques malhonnêtes doivent être discrédités, ceux qui n’ont pas conscience de l’immensité des efforts à accomplir doivent être informés et agir en conséquence, ceux qui sont sidérés et paralysés doivent être accompagnés dans leur actions, soutenus par les pouvoirs publics et portés par l’élan citoyen.

Nous venons de franchir une autre limite planétaire, la septième sur les neufs. Ce sont les seuils définis par les scientifiques pour garantir un environnement sûr et stable à l’humanité sur le long terme. Aujourd’hui, c’est l’acidité des océans qui rend moins facile la fabrication de squelettes en calcaire et réduit la capacité des océans à absorber du CO2.

Nous avons déjà franchi hier celles du changement climatique, l’érosion de la biodiversité, le changement d’usage des sols, la perturbation des cycles de l’azote et du phosphore, le cycle de l’eau douce et l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, comme les polluants et le plastique. Les deux seules qui ne sont pas dépassées sont la charge en aérosols atmosphériques et la couche d’ozone, sauvée par une volonté politique mondiale décidée dans les années 1980.

L’action est encore possible. Et nous pouvons tous espérer que la pluie qui tombe partout cesse d’être chargée par les pesticides que l’on retrouve dans les nuages qui passent au-dessus de la France métropolitaine, comme les dernières découvertes l’affirment.

Le ciel est sombre aussi pour la situation politique du pays, décidément bien étrange. Un Premier ministre est nommé, mais il n’a toujours pas formé de gouvernement. Le pouvoir s’enferme dans son mutisme, paralysé et incapable de reconnaitre sa défaite, son incapacité à gouverner le pays et à trouver des compromis. Rien n’avance, il n’y a pas de décret sur certaines lois, nous ne savons pas si un budget pourra être adopté. Tout cela nous touche tous. Voilà ce qui bloque le pays.

Il y a des économies à faire bien sûr, nous avons un État suradministré. Mais il y a surtout des recettes à trouver. Comment ne pas comprendre la colère des citoyens quand on sait que les plus riches contribuent proportionnellement moins à l’impôt que tous les autres français ? Que l’État n’est même pas en mesure de calculer l’argent phénoménal qu’il verse aux entreprises ?

Rien ne sera possible sans justice fiscale. À en croire les sondages, l’instauration de la taxe Zucman est largement plébiscitée, quelle que soit la couleur politique. Est-ce que nos élus nationaux sont conscients du ressenti de leurs électeurs ? Décident-ils sans s’en soucier ? Rares sont ceux qui essaient d’avoir l’avis des électeurs de leur circonscription. Faudra-t-il une nouvelle pétition nationale pour que les politiques réagissent ?

L’image renvoyée est désastreuse. Celles de partis qui préfèrent sabrer encore dans les dépenses, sacrifier l’école, l’hôpital et tous les services publics déjà moribonds parce qu’ils ne veulent pas chercher de nouvelles recettes. Ils agissent par idéologie, par clientélisme et ne servent pas l’intérêt général, mais celui des grandes fortunes. Et cela apparait maintenant au grand jour.

La roue tourne. La justice fait son travail et condamne lourdement un ancien Président de la République accusé de faits d’une gravité extrême : une association de malfaiteurs en vue de financer une campagne présidentielle avec l’argent d’un dictateur Lybien. On peut s’interroger sur le mandat de dépôt différé avec exécution provisoire, loin d’être exceptionnel pour ce type de peine, ou sur une innocence encore présumée, bien que Nicolas Sarkozy ait déjà été condamné définitivement sur d’autres dossiers. Il s’agit surtout de remettre les choses dans leur contexte. Ce que les juges ont jugé, c’est la reconnaissance d’un pacte de corruption au plus haut niveau possible et qui serait restée dans l’ombre sans le travail acharné de quelques journalistes.

Tout cela n’est pas réjouissant surtout quand la presse locale se fait l’écho d’autres affaires de justice concernant des élus. Cela jette encore plus l’opprobre sur les responsables politiques en minant davantage encore la confiance que le peuple porte à ses représentants. Mais que dire également de ceux qui condamnent les juges au lieu de condamner les faits.

Tout aussi historique : la pétition contre la loi Duplomb, qui visait à lever les contraintes au métier d’agriculteur. Plus de 2.5 millions de citoyens qui font l’effort de s’authentifier sur le site de l’Assemblée nationale pour s’insurger d’une loi dangereuse pour l’environnement et demander son retrait, c’est inédit. C’est un signe encourageant qui démontre que la démocratie peut être plus puissante que l’industrie agro-alimentaire et les lobbys des pesticides. Le vivant n’a pas dit son dernier mot.

Il ne faut pas se leurrer non plus de cette semi-victoire. Les partisans de la loi ont usé de tous les moyens pour la défendre, n’hésitant pas à dénigrer ceux qui menaient le combat pour l’abolir. Pire, les politiques qui ont contesté sans arguments valables les avis éclairés des scientifiques qui, courageusement, ont dénoncé les effets toxiques sur l’environnement et nos organismes de produits couramment utilisés dans nos champs.

En attendant le débat à l’Assemblée nationale rendu possible par le succès de cette pétition, le Conseil constitutionnel a déminé la situation en censurant la réintroduction de l’acétamipride, qui cristallisait une bonne part de l’attention. Mais la loi Duplomb, ce n’est pas que cela. Il en reste aujourd’hui l’essentiel : allégement des procédures pour l’élevage intensif et les méga-bassines, mainmise sur l’Anses et l’OFB notamment. La loi promulguée est toujours une menace pour l’environnement.

Ce n’est pas parce que nous soulevons des problèmes liés à certaines pratiques agricoles, y compris chez nous, pour la production du comté par exemple, que nous ne soutenons pas les éleveurs et tous les agriculteurs. Leur métier est difficile et essentiel. Et c’est parce qu’il est difficile et essentiel que nous devons tous le soutenir et œuvrer pour le rendre le plus vertueux possible.

Nous sommes en phase avec beaucoup de revendications et de constats exprimés vendredi dernier encore. L’alimentation et les produits agricoles ne sont pas des biens de consommation comme les autres. Et à ce titre, ils devraient être exclus du traité de libre-échange du Mercosur qui induit une concurrence déloyale et facilite l’importation de produits qui ne respectent pas les normes sanitaires ou environnementales que l’on exige en France et en Europe.  

Comme s’il n’y en avait déjà pas assez, une menace terrible se rapproche toujours plus dangereusement. La dermatose nodulaire décime déjà des troupeaux dans des départements tout proches et cinq exploitations du Doubs sont désormais placées sous surveillance. Pour éviter la propagation de cette maladie, les différentes manifestations qui rassemblaient nos Montbéliardes, les comices et « vaches de salon » ont été annulées. Cette suppression logique était attendue par nombre d’éleveurs qui, pour certains, ne se seraient de toute façon pas déplacés pour ces moments de fête que sont les comices. Suppression aussi pour marquer notre solidarité avec ces éleveurs savoyards qui ont tout perdu et nous exprimons notre sincère compassion envers tous les éleveurs touchés par cette tragédie.

Le département entend améliorer son soutien à l’agriculture locale en expérimentant en 2026 un groupement de commandes pour la fourniture de viandes et de produits laitiers à nos collèges. C’est déjà une bonne chose, mais pour que les collégiens mangent aussi des légumes locaux, il sera nécessaire de réfléchir aux aides que le Département pourrait apporter au développement des maraîchers par exemple. C’est dans l’objectif de pouvoir émettre nos propositions et faire émerger un véritable débouché public à cette filière pour l’heure délaissée que nous proposerons lors de la commission permanente de cet après-midi la candidature d’un membre de notre groupe pour siéger à la chambre d’agriculture et représenter le département.

Au niveau des investissements dans les collèges on peut comprendre que certains travaux soient décalés au vu des difficultés financières que l’on rencontre. Il est pourtant nécessaire de revoir les priorités et de revoir l’ordre au niveau de la programmation. Quid du collège d’Hérimoncourt qui pourrait être prioritaire quand on sait que des problèmes structurels nécessitent la pose d’étais pour le consolider ?

Madame la Présidente, lors de l’Assemblée de juin vous aviez annoncé un grand programme pour la rentrée : « Cap Jeunesse ». Je reprends vos paroles : « lancer une démarche ambitieuse, exigeante et ouverte ». Nous attendions un rapport à ce sujet lors de cette Assemblée de septembre. On ne l’a pas eu. Mais nous sommes sûrs que cela ne restera pas lettre morte, vu tout ce que vous avez évoqué lors du liminaire en juin.

Toutefois, si vous êtes en mal d’inspiration, nous avons déjà une proposition à vous soumettre pour vous aider à poser la première pierre de ce CAP jeunesse que nous appelons avec vous. Il y a quelques années, vous aviez supprimé le Pass’Sport, puisque l’État l’avait lui aussi mis en place. Aujourd’hui, il ne l’accorde plus que pour les 14 – 17 ans. À nous de le rétablir pour l’ensemble de nos collégiens, ce serait déjà une première action forte de ce Cap Jeunesse.

Nous avons déjà eu aussi l’occasion de dénoncer le désengagement du département concernant la prévention spécialisée. Nous en connaissons maintenant les conséquences : plus que trois équipes à Besançon sur les six initiales. Il ne reste plus que Planoise, Montrapon-Saint-Claude et Palente Orchamps. Les quartiers de l’Amitié, de Clair-Soleil et Battant ne sont plus couverts. C’est cocasse quand on entend dans le même temps le premier vice-président du département se plaindre du climat particulier qui règne dans ce même quartier Battant.

À PMA, il n’y a plus que 11 ETP sur les 16 postes initiaux. Les villes d’Audincourt, Seloncourt, Hérimoncourt, Bavans, Voujeaucourt, Bart, Sainte Suzanne, Etupes, Fesches-Le-Chatel, Dampierre-les-Bois et de Badevel ne sont plus couvertes. Sur Montbéliard, il n’y a plus que les quartiers de la Chiffogne et du parc qui sont couverts, car l’équipe intervenant à la Petite Hollande est aussi supprimée.

Et comme si cela ne suffisait pas, en 2026 le Département se désengagera des jeunes dès le premier jour de leurs 18 ans, contre 21 ans auparavant. Cela n’a pas beaucoup de sens, et beaucoup d’autres départements qui font intervenir la prévention spécialisée auprès des jeunes âgés jusqu’à 25 ans, l’ont bien compris. Une réflexion s’impose !

Madame la Présidente, sur un sujet un peu plus technique, nous nous interrogeons aussi sur le glissement de certains dossiers de l’ordre du jour de l’Assemblée départementale publique au profit de la Commission permanente qui se déroule à huis clos. Par exemple en 2023, l’avis sur le SCOT du Haut-Doubs passait en Assemblée. Aujourd’hui celui sur le SCOT du Grand Besançon passe en commission permanente, nous ne voyons pas de cohérence. Deux territoires, deux modes de traitement différent. C’est un exemple et nous en avons d’autres qui devraient donc avoir leur place en débat d’Assemblée, par exemple la définition de la stratégie du tourisme du territoire qui engage la collectivité.

Ce serait une mesure de transparence, comme lorsque nous vous demandons plusieurs fois des documents en votre possession et que vous ne souhaitez pas délivrer. Des audits sont par exemple réalisés par la collectivité au niveau de différentes structures. Vous nous en faites la synthèse lorsque nous le demandons. Mais pour nous cela n’est pas suffisant. C’est l’audit dans son ensemble que nous voudrions travailler. Nous pourrions nous aussi en faire une synthèse qui pourrait être identique à la vôtre, ou différente. Je rappelle simplement que cette demande ne repose jamais que sur le Code général des collectivités territoriales.

Le droit est parfois tatillon, mais on ne peut s’en écarter, sous peine de sombrer dans l’arbitraire et de s’adonner à de graves dérives. Ce droit est dévolu à l’opposition afin qu’elle puisse exercer son rôle de contrôle.

Il existe d’autres rouages, d’autres contre-pouvoirs essentiels en démocratie pour contrôler l’exécutif et garantir la bonne utilisation de l’argent public : la Cour des comptes et ses antennes locales. Nous avons à l’ordre du jour le « Rapport de la chambre régionale des comptes sur les collectivités territoriales face aux enjeux de leur patrimoine monumental en Bourgogne Franche-Comté ». Plusieurs monuments de notre Département sont concernés, avec évidemment la Saline d’Arc-et-Senans. Et dans le cadre de ses contrôles, la CRC questionne fortement la gestion quelque peu opaque de l’EPCC Saline Royale. Le rapport spécifique concernant cet établissement n’est pas présenté dans cette Assemblée. Ce document, vous le savez, nous interroge beaucoup et pointe de graves dysfonctionnements, dont ceux que nous avons déjà évoqués ici concernant la société Musicampus. Et nous sommes loin d’être les seuls à être troublés. Nous espérons avoir l’occasion d’en débattre aujourd’hui.

Je vous remercie pour votre écoute

Saline : un rapport accablant qui confirme nos doutes

La chambre régionale des comptes (CRC) dresse un bilan alarmant de la gestion de la Saline royale d’Arc-et-Senans par l’Etablissement public de coopération culturelle (EPCC). Elle pointe aussi ses liens troublants avec la société privée Musicampus, dont l’activité consiste à vendre des vidéos de cours de musique.

Le constat sans appel de la CRC ne nous étonne pas : cela fait plusieurs années que nous dénonçons cette dérive.

Lors de l’Assemblée départementale de janvier 2023, puis dans une lettre adressée le mois suivant à Christine Bouquin, présidente de l’EPCC, nous demandions des précisions sur la prise en charge par la collectivité des frais liés à Musicampus : travaux, matériel audiovisuel, mise à disposition de personnels, occupation de l’espace public, versement de bourses, etc.

Nous n’avions jamais obtenu de réponse, nous en avons aujourd’hui plusieurs. La création même de Musicampus est irrégulière, il existe un régime d’incompatibilité pour le président de Musicampus qui est aussi directeur de l’EPCC, le projet commercial financé par des fonds publics est à la fois irréaliste et déficitaire, du personnel de l’établissement public travaille gratuitement pour Musicampus, etc.

La situation s’est même aggravée depuis notre interpellation. Constatant les grandes difficultés économiques de Musicampus, l’EPCC s’est engagé en 2024 à prendre à sa charge, et donc à la charge des contribuables, l’enseignement musical, l’organisation des semaines académiques et l’enregistrement des vidéos de Musicampus pour les années 2025 et 2026.

Face à ces graves dysfonctionnements, nous réclamons un débat public lors de l’Assemblée départementale prévue le lundi 29 septembre.