Désengagement de l’État et protection de l’enfance en danger

C’est la Présidente qui l’annonce elle-même en présentant le budget prévisionnel : « la traversée 2024 ne sera pas de tout repos ». Il y a des causes conjoncturelles bien sûr. Mais c’est bien l’État qui met en péril les collectivités locales avec des dotations qui ne suivent pas l’inflation. C’est l’État qui prive les collectivités de leur autonomie fiscale et qui les assigne à un rôle purement gestionnaire.

Nous partageons ce constat. Nous sommes cependant étonnés qu’une majorité de droite qui peine à mener une politique locale avec toujours moins de moyens reste solidaire des revendications portées au niveau national par leur famille politique : moins d’impôts, moins de fonctionnaires, moins de service public. C’est pourtant bien cette idéologie qui prive notre Département des moyens nécessaires pour proposer un budget répondant aux besoins des Doubiens.

Pour ne citer qu’un seul exemple sur une thématique chère à notre Département, Oxfam France vient de rendre un rapport rapportant que trois niches fiscales relatives au secteur du logement ont coûté près de 11 milliards aux finances publiques en 12 ans. 11 milliards d’euros, de quoi financer plus de 70 000 logements sociaux.

Et dans notre Département, il en manque beaucoup, surtout sur la bande frontalière. Les documents d’urbanisme tablent sur une hausse de 21 800 habitants sur 20 ans. Que font les communes du Haut-Doubs pour soutenir la politique de logement dans un tel climat de tension sur l’offre et les prix ? Pas grand-chose en réalité. La solution que le Département a trouvée dans l’urgence avec les bailleurs sociaux pour loger les plus pauvres est l’installation de Tiny House.

Doit-on se résoudre à voir naitre le plus grand village de Tiny House sur la zone frontalière ou faut-il trouver les moyens de mener une politique de logement digne de ce nom ? Avant 2020, il était possible pour les conseillers départementaux d’interroger les services de l’État, avec la venue du Préfet une fois par an lors d’une Assemblée. Nous souhaitons que cette rencontre revienne à l’ordre du jour du Département.

Avec le désengagement de l’État, c’est la situation catastrophique de la protection de l’enfance qui nous inquiète au plus haut point. Alors qu’il était annoncé dans la presse et aux syndicats une augmentation de 10% du budget du CDEF (Centre Départementale de l’Enfance et de la Famille), la majorité départementale prévoit au contraire une baisse de 1.8% du budget de fonctionnement de cette structure au BP24 comparé à ce qui a été voté en 2023. On se demande comment cela est susceptible d’améliorer les choses alors que le personnel est à bout et se plaint d’un manque de considération de la part des élus de la majorité.

Pour pallier à l’urgence, nous avons formulé plusieurs propositions : deux personnes minimums pour accompagner les enfants confiés dans les maisons la nuit, ce qui n’est pas le cas actuellement et ce qui pose des questions de sécurité grave au personnel. Autres actions concrètes : une prise en charge CMU automatique pour les enfants confiés qui peuvent être refusés par certains médecins faute de documents, et accès au tarif CAF le plus faible pour les centres de loisirs alors qu’actuellement c’est le quotient familial maximum qui leur est appliqué.

Pour faire la lumière sur la politique de la protection de l’enfance menée dans le Département du Doubs, nous demanderons le vote d’une Mission d’Information et d’Évaluation sur le sujet.

Discours liminaire budget prévisionnel 2024

Claude Dallavalle

Discours liminaire prononcé par Claude Dallavalle le 18 décembre 2023 lors du vote du budget prévisionnel 2024 du Département du Doubs.

Ce n’est pas dans ce discours que nous reviendront sur les rapports de cette Assemblée, nous exprimerons nos positions sur chaque politique au fil des débats. Permettez-nous de consacrer le temps de parole de notre groupe politique à ce qui constitue pour nous l’un des principaux fils conducteurs de cette session budgétaire : le désengagent de l’État vis-à-vis des collectivités locales, condamnées à toujours faire plus avec moins.

Je me contenterai d’illustrer ce désengagement avec un seul exemple qui pointe sans aucune ambiguïté la responsabilité qui est celle de l’État sur une thématique chère à notre Département : le logement. Il y a à peine plus d’une semaine, Oxfam France a calculé que trois niches fiscales relatives au secteur du logement ont coûté près de 11 milliards aux finances publiques en 12 ans. 11 milliards d’euros, de quoi financer plus de 70 000 logements sociaux. Combien en manque-t-il dans notre Département ?

Et des exemples, vous savez très bien qu’il y en a d’autres. Cet argent manque cruellement. C’est avec l’aide de votre famille politique que le Gouvernement fait voter ces lois au Parlement. Ces lois qui nous privent de moyens. Ces lois qui privent les collectivités de la possibilité de mener à bien leurs missions de service public.

Nous le remarquons ici, dans les rapports que vous soumettez au vote, il y a beaucoup de conditionnel sur les crédits qui seront alloués, ou pas, par l’État. Et nous le savons, c’est difficile quand on est en responsabilité de construire un budget quand on va dans l’inconnu. Le problème est de taille car les Départements ont perdu toute leur autonomie fiscale et dépendent donc de dotations nationales qui restent pour partie encore incertaine. Et quand elles sont assurées, elles ne sont pas réévaluées à la hauteur de l’inflation.

Pour le reste des recettes, ce n’est guère mieux. Peu de visibilité sur les DMTO, même si tous les indicateurs sont à la baisse. Quid de la taxe sur les assurances ? Le prix des contrats s’envole, ce qui pousse certaines collectivités à ne plus assurer certains bâtiments. Et la taxe sur l’aménagement ? 

Sans aucun levier financier, nous voilà simple guichet, nous nous contentons de gérer l’argent qu’on daigne nous donner, tout en sachant que ce ne sera pas assez. Et sans marge de manœuvre, ou presque, les arbitrages sont d’autant plus importants. Je crois que nous n’avons pas fini de répéter que vos choix ne sont pas les nôtres. Nous n’avons pas le même sens des priorités. 

Vous présentez un budget avec des investissements supérieurs à 100 M. d’€.  Pour les assurer vous faites appel à l’emprunt et, aujourd’hui, les taux sont de plus en plus volatiles, donc beaucoup moins sécurisants. Vous renoncez à la politique de priorisation donnée à l’autofinancement. Vous avez précisé au BP que cela était possible grâce à votre bonne gestion. Nous n’avons pas la même lecture : depuis que vous êtes à la tête du Département, vous avez privilégié l’épargne brute en rognant sur les dépenses de fonctionnement et en retardant les investissements indispensables au cœur de nos compétences. Votre marge de manœuvre coute aujourd’hui très cher à la collectivité.

Quand de lourds investissements sont enfin programmés pour les collèges alors que c’était hier qu’il fallait les conduire, c’est tous les services qui sont aujourd’hui en difficulté et que l’on peut difficilement aider. Certains qui étaient sous l’eau depuis plusieurs années sont maintenant en train de craquer, littéralement.

C’est bien votre politique menée durant 6 années qui vous amènent à rattraper aujourd’hui les retards pris au niveau des investissements, mais aussi au niveau des solidarités humaines. Et tout cela est accentué par les désengagements de l’État, combiné par des conditions sociales de plus en plus précaires.

Nous sommes le chef de file des solidarités humaines et les besoins sont de plus en plus importants. Nous le verrons lors de l’examen des dossiers de la première commission, celle des solidarites humaines. 62 % du budget est consacré à cette politique. Le même pourcentage que pour le BP 2023 alors que les besoins augmentent.

Vous faites un effort financier important d’1 M d’€ pour aider 9 EHPAD en grande difficulté. C’est salutaire, mais nous savons que tous que cela ne suffira pas. Cette aide imputée au budget 2023 des établissements ne suffira pas pour combler leur déficit de l’année qui s’achève. Nous savons tous aussi que c’est l’Etat qui devrait apporter une aide conséquente. Alors que différents rapports indiquaient qu’au niveau national, ce sont environ 10 Milliards qui seraient nécessaires, il est annoncé 700 millions pour les 5 000 EHPAD et services à domicile pour finir l’année. Et nous attendons depuis des années cette Loi Grand Age qui est maintenant annoncée pour 2024. Mais en attendant cette Loi, comment vont-ils fonctionner ? Sera-t-on encore obligé d’en aider certains en 2024 ?

Financièrement nombre de Départements sont en souffrance, ils ne peuvent plus assurer leur rôle de chef de file des Solidarités Humaines et le nombre risque d’empirer dès 2025 si l’État ne répond pas à leurs demandes

Bien sûr, vous présentez un budget équilibré, ce qui est demandé aux collectivités locales, la base d’une bonne gestion. Mais répond-il réellement aux besoins de la population doubienne ? Pour remplir notre mission n’aurait-il pas fallu présenter un budget déséquilibré ? Tout en sachant que cela aurait attiré les foudres des hautes autorités ? Ou alors faut-il se résoudre à abandonner ou à délaisser certaines politiques fort utiles pour le Département et ses administrés.

Madame la Présidente, avant 2020, nous avions une session où nous pouvions interroger les Services de l’Etat. Nous souhaitons que cette rencontre revienne à l’ordre du jour d’une séance du Département.

Et je ne peux pas terminer ma prise de parole sans adresser un grand merci à Mme Galmiche pour son investissement pour la collectivité. Nous lui souhaitons le meilleur pour la suite et nous savons qu’elle sera encore très occupée dans d’autres activités toujours au service des autres.

Nous voulons aussi remercier l’ensemble de nos agents pour leur travail au service des habitants de notre beau Département.