Coupe dans la prévention spécialisée : des contre-vérités pour justifier une faute

Nous, élus du groupe Doubs Social Écologique et Solidaire au Conseil Départemental, apportons notre soutien au secteur social, médico-social et à ses professionnels qui se mobilisent partout en France aujourd’hui pour manifester leurs revendications.

Même si les budgets augmentent parfois, la hausse n’est jamais à la hauteur des besoins. Sur le terrain, travailleurs et bénéficiaires constatent une dégradation continue des services rendus.

Dans ce contexte tendu, et particulièrement à la protection de l’enfance, la baisse du budget de la prévention spécialisée décidée par le département du Doubs est une faute politique grave, incompréhensible et choquante. Et à défaut d’arguments cohérents, des contre-vérités ont été énoncées lors de l’Assemblée départementale du 24 mars.

La Présidente a ainsi plusieurs fois rejeté la responsabilité de cette coupe sur l’État, qui accentue la pression financière sur les collectivités. Ce paramètre était connu de l’exécutif départemental, qui s’était même préparé à un scénario encore plus catastrophique. Mais quelle est la première victime de cette rigueur imposée ? Quelle est la politique qu’ils souhaitent affaiblir en priorité ? C’est la prévention spécialisée, qui a subi une première coupe de 200.000 € en décembre et une seconde de 250.000 € la semaine dernière.

Le choix de la majorité, pas celui de l’État

Ce choix est clairement celui de la majorité de Christine Bouquin, pas celui de l’État ou du Gouvernement. Nous avions une solution pour sauver la prévention spécialisée, mais elle a été balayée en même temps que notre amendement proposant le maintien de la somme accordée à l’ADDSEA par le Département et la réduction du programme d’aide aux entreprises.

Pour résoudre une équation budgétaire complexe, la majorité de droite préfère réduire d’un tiers les postes d’éducateurs de rue, une compétence obligatoire des départements, plutôt que de baisser l’enveloppe d’une compétence optionnelle : l’aide à l’immobilier d’entreprise.

Nous avons par ailleurs démontré que cette aide n’est absolument pas structurante pour le territoire, qu’elle ne répond à aucun critère précis et que cette distribution d’argent public pose de nombreuses questions restées sans réponses. Pourquoi certaines entreprises qui n’en ont pas besoin sont aidées et pas d’autres ?

A la place, nous avons entendu des attaques contre l’ADDSEA et des piques contre l’action des éducateurs eux-mêmes, qui souffriraient d’un manque de visibilité et qui auraient du mal à justifier leurs activités. Sous-entendu : de leur efficacité. Difficile en effet de trouver le bon indicateur pour quantifier quelque chose qui ne s’est pas produit en raison du lien de confiance tissé par les éducateurs avec des jeunes au bord de la dérive ou du décrochage.

Un lien établi entre prévention spécialisée et prévention de la délinquance

Lors de cette Assemblée, Albert Matocq-Grabot, Damien Charlet et Aly Yugo ont chacun pu témoigner du rôle essentiel de ces éducateurs et de l’action bénéfique qu’ils ont sur les quartiers où ils sont élus à Sochaux, Audincourt ou Besançon. Leur disparition marquerait une dégradation sensible du climat dans des secteurs qui n’en ont vraiment pas besoin.

Car contrairement aux allégations de Ludovic Fagaut, tous les professionnels s’accordent pour établir un lien évident entre prévention spécialisée, protection de l’enfance et prévention de la délinquance.
Il est donc difficile d’imaginer que la coupe du budget de la prévention spécialisée a été réalisé en concertation et en accord avec les équipes de l’ADDSEA comme cela a été répété. Selon nos informations, la décision aurait plutôt été imposée par le département en ne laissant à l’ADDSEA que le choix des quartiers et des jeunes qui seront abandonnés.

De partenaires associatifs à opérateurs

De manière plus générale, nous dénonçons l’organisation par le département d’une mise en concurrence de moins en moins soutenable des partenaires associatifs qui ne sont vus que comme des opérateurs.
A cet égard, l’appel à projets pour des mesures d’AEMOR (Action éducative à domicile renforcée) en cours aura pour effet d’abaisser les moyens attribués aux structures par enfant. Cela contribuera à dégrader davantage encore, à la fois le travail des professionnels et le temps accordé à chaque enfant confié au département.

Pour nous, c’est une évidence : comme cela a été évoqué dans le cadre de la Mission d’Information et d’Évaluation sur la politique enfance, nous devons augmenter les moyens de prévention pour épargner à des centaines d’enfants une entrée dans d’autres dispositifs de protection plus éprouvant pour eux, plus coûteux pour la collectivité et de toute façon saturés.
Pour dégager des moyens, le département devrait se recentrer sur ses compétences obligatoires et ne pas oublier qu’il est chef de fil du social plutôt que de s’éparpiller dans des actions contestables qui ne sont pas de son ressort.

Saupoudrage économique plutôt qu’Aide à l’enfance, la priorité choquante du Département

Alors que le Département prévoit une nouvelle baisse du budget prévention spécialisée de l’Aide à l’enfance de 250.000 € après une première baisse de 204.000 € cette année, nous avons déposé un amendement pour l’annuler et la remplacer par une baisse du budget d’aide à l’immobilier d’entreprise.

L’Assemblée départementale devra donc trancher lundi 24 mars, à budget égal, entre notre proposition et le plan de la majorité qui revient à supprimer 12 postes sur les 38 éducateurs de rue qui assurent le premier maillon de la protection de l’enfance : prévention et rencontre avec les jeunes dans les quartiers prioritaires de Besançon, Montbéliard et Pontarlier.

Choisir délibérément d’affaiblir la protection de l’enfance en amputant un tiers des effectifs de la prévention spécialisée est un arbitrage brutal et choquant. Derrière les discours et le prétendu plan d’urgence ASE voté il y a un an, le Département a en réalité d’autres priorités très éloignées de son cœur de mission.

Dans les faits, le Département préfère s’arroger une compétence facultative de saupoudrage économique en distribuant des aides au bénéfice de quelques entreprises plutôt que de se centrer sur le cœur de ses missions et de ses compétences obligatoires.

Comment Madame Bouquin et ses équipes peuvent-elle justifier le versement de 50.000 € à un gros affineur de comté pour accroitre sa capacité de stockage de 30.000 meules ? De 14.500 € à la SCI d’un agent immobilier de Morteau pour l’aider à acheter son local ? De 50.000 € à une fruitière qui collecte 2.9 millions de litres de lait par an ? De 47.500 € à une entreprise dentaire pour la création d’un cabinet, dans ce cas aussi, via une SCI ? De 50.000 € à une entreprise sous-traitant de l’industrie du luxe qui génère un chiffre d’affaires de 25M€ et qui a rendu millionnaire son actionnaire unique ?

On pourrait multiplier les cas, nous n’arrivons pas à cerner la pertinence et les critères objectifs qui déterminent le versement de ces aides. En tout, le programme « développement économique 23-26 » est dotée d’une enveloppe de 3.7 M€. Souvent présenté comme un dispositif de soutien aux petits commerces en zone rurale, il est en réalité presque entièrement dédié au volet « immobilier d’entreprise ». Tout n’est pas perdu, il reste encore 2.1 M€ qui n’ont pas encore été dépensé.

Voilà, parmi d’autres, une piste d’économie conséquente pour le Département si la protection de l’enfance était vraiment pour lui une priorité.

Une mission d’information utile sur l’enfance, mais qui enfonce des portes ouvertes

Nous avons adopté aujourd’hui le rapport de la Mission d’Information et d’Evaluation (MIE) sur l’enfance que nous avions demandée et obtenu. Avec le concours de Jeanne Henry et de Christine Coren-Gasperoni qui en était membres pour notre groupe, des agents, des personnels de direction, des juges pour enfants, des associations, des gestionnaires de lieux d’accueil ont pu être auditionnés et ont livré leur témoignage.Si cette MIE a eu le mérite de faire remonter les témoignages de personnels épuisés et faire le constat d’un système en saturation, nous pouvons regretter que les conditions de travail ne soient pas au cœur de ce rapport. A cet égard, les commentaires des agents qui ont bien voulu en livrer sont éloquents et se suffisent à eux-mêmes.

Malheureusement, ces commentaires ne sont pas intégrés au rapport alors qu’ils étaient partie intégrante d’un questionnaire envoyé aux agents. Leur lecture par tous aurait peut-être permis de prendre conscience collégialement de la gravité de la situation et de combler le fossé entre nos politiques et la réalité. Certains nous ont même accusés d’en avoir inventé. Preuve qu’il reste encore du travail.

La protection de l’enfance, c’est certainement la politique la plus dure à porter. Nous en avons conscience et espérons que les préconisations présentées seront appliquées, pour les enfants, les agents, les familles et le vivre-ensemble.

Pas d’économies sans justice fiscale

Nous avons débattu d’un budget prévisionnel 2025 dans une situation particulière. En effet, personne ne connait le montant des dotations que l’Etat versera au Département l’année prochaine. Difficile de construire un budget sans connaitre ses recettes… Et l’on parle de 25 M€ en moins pour le Doubs. Cette cure d’austérité de la part de l’Etat ne sera intégrée qu’après le vote de la loi de finances, possiblement en février dans le cadre d’une décision modificative exceptionnelle du budget prévisionnel.

Avant même ces nouvelles mesures d’économies, nous contestons un budget de rigueur qui affiche un plan d’austérité de 30 M€ et qui baisse presque l’ensemble des postes, qui n’ouvre aucune autorisation de programmes ou d’engagement au-delà de 2025, qui semble condamner le Fonds Additionnel Transition Climatique et Energétique (FATCE) et qui retarde les travaux prévus dans les collèges.

Nous rejetons ce budget qui ne permet pas de préparer l’avenir. Certains choix de la majorité ont empêché des investissements qui nous seraient utiles. Mais comment faire quand on a plus les moyens de ses ambitions ? Tout le monde est d’accord sur le constat : au-delà des choix et des priorités, nous avons un problème de recettes.

Mais nous ne pouvons pas nous résoudre à dégrader la situation d’années en années, à regarder ligne par ligne les économies que l’on peut faire en bon comptable alors que l’on est déjà au bord de la rupture.

Comme remède à la résignation, nous avons une proposition qui aurait le mérite de redonner aux Départements la capacité à assurer le financement de l’ensemble de leurs compétences : la création d’un nouvel impôt national sur les hauts patrimoines. C’est le sens du vœu que nous avons proposé à l’Assemblée départementale rejeté par la majorité qui se déclarait pourtant en résistance.

Retour au 90 km/h : un bilan désastreux

Lors du débat sur le relèvement de la vitesse à 90 km/h sur les départementales, nous avions alerté sur ce risque : rouler plus vite pour ne gagner que quelques secondes est un non-sens préjudiciable aussi bien sur le plan écologique que sécuritaire.

Et le premier bilan de cette mesure est catastrophique. En un an, le nombre d’accidents a augmenté de 47% sur les RD après le passage à 90 km/h alors que les accidents n’ont augmenté que de 9.5% sur l’ensemble du réseau routier du Doubs. Sur les départementales concernées, le nombre de blessés a augmenté de 33%, celui des blessés graves de 55%…

La seule donnée positive est la baisse de 25% du nombre de morts. Un chiffre à nuancer, car les données s’arrêtent au 31 juillet dernier. Malheureusement, les drames routiers se sont succédés depuis cette date. Alors que la cause principale des accidents de voiture reste la vitesse, le relèvement de la vitesse à 90 km/h est un très mauvais signal qui ajoute en plus de la confusion sur les routes. Comment l’automobiliste peut s’y retrouver entre des limitations à 30, 50, 70, 80, 90 et 110 km/h ?

Un autre vote pourrait contribuer à dégrader la sécurité routière. Outre les baisses de crédits sur cet axe, la politique de déneigement a été revue et entérine une diminution des amplitudes d’interventions pour les RD de niveau 2. La praticabilité de la moitié du réseau ne sera plus assurée après 20h et aléatoirement avant 7h.