Adieu l’épargne brute, bonjour les emprunts

La cession du budget prévisionnel 2023 débute l’inversion de la logique portée jusqu’alors par la majorité. Adieu l’épargne brute, bonjour les emprunts. C’est en complet désaccord avec tous les discours portés auparavant par les élus de droite. Pourtant, ils n’avaient manqué aucune occasion de critiquer la vision que l’on défendait avec constance : investir pour l’avenir.

Seulement le sens des priorités porté par la majorité de droite n’est pas le nôtre. Certaines politiques dispendieuses continuent d’être priorisées. C’est le cas des dépenses consacrées à la Saline, qui nous paraissent disproportionnées : 34 millions d’euros sur 15 ans. Alors que les doubiennnes et les doubiens viennent seulement d’apprendre dans les colonnes de la presse régionale, un an et demi après la réélection de la majorité, les grandes lignes de leur programme, certains choix étaient clairs depuis le départ.

Nous comprenons bien qu’il s’agit de préserver la valeur d’un patrimoine exceptionnel classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais certaines dépenses pourraient être évitées. Et certaines nous interrogent plus que d’autres. Nous nous questionnons sur la prise en charge par la collectivité de certains frais liés aux activités d’« acteurs culturels », notamment ceux liés à la startup Musicampus. Il est à noter que nous n’avons eu aucune réponse à ce sujet en Assemblée.

Sens des priorités, toujours. Le département engage seulement maintenant le programme de modernisation des collèges, alors que tout était sur la table depuis plusieurs années. S’agissant d’une compétence essentielle des départements, c’est une faute majeure de ne pas l’avoir réalisé plus tôt. Une faute qui coutera très cher au contribuable. Des collèges qui n’ont pas été rénovés, c’est des dépenses énergétiques inutiles. Cela est d’autant plus vrai avec l’envolée des couts de l’énergie et des matériaux.

Tardif aussi est la présentation d’un plan climat. Alors que celui qui était dans les cartons lors de l’arrivée de la droite aux manettes du Doubs en 2015 a été remisé, c’est contraint par la loi que la collectivité présente enfin le sien en 2023, avec les objectifs de baisse réglementaire des émissions de CO² et une volonté d’aller un peu plus loin que ce que dit la loi aujourd’hui. Nous nous sommes en majorité positionné pour le plan de transition climatique, même si nous conservons quelques réserves et que nous serons très vigilants sur son application et sa mise en œuvre. L’un des moyens pour ce faire est de pérenniser une commission de travail spécifique, avec des résultats quantifiés nous permettant de constater ensemble les premiers effets.

Enfin une ébauche de programme et refus de notre motion

Cette Assemblée départementale consacrée aux orientations budgétaires 2023 a enfin permis à la majorité de présenter une ébauche de programme, un an et demi après leur réélection. Au menu des prochaines années : l’emprunt.

Malheureusement pour la collectivité, ce revirement intervient alors que les taux d’intérêt des emprunts passent d’environ 1% à environ 3.5%. Au total, cette différence de taux sur les emprunts représente plusieurs millions d’euros d’argent public de différence sur plusieurs années.

Nous sommes heureux de cette prise de conscience. Mais comme nous n’avons cessé de le réclamer, c’est avant qu’il fallait utiliser le levier de l’emprunt pour financer, notamment, la transition énergétique avec la rénovation des collèges. Tous les plans étaient là, il ne manquait que la volonté politique de la majorité pour inverser leur logique de financement et abandonner sa politique de désendettement pourtant maitrisée.

Au vu des débats et des interventions parfois contradictoires de la majorité sur la bonne politique financière publique à tenir, revenir sur leurs ambitions n’a pas dû être chose facile. Au cours de la présentation des Orientations budgétaires, nous avons successivement eu droit à la défense de la nécessaire capacité de désendettement et à la projection que celle-ci passerait de 3.7 années fin 2022 à 7 ou 8 ans fin 2026.

Dans le contexte actuel plein d’incertitude, construire un budget pour l’année suivante, et à fortiori pour les prochaines années n’est pas une chose facile. Nous sommes en désaccord avec les choix politiques et les priorités de la majorité départementale, mais elle n’est pas seule responsable. En effet, nous sommes très inquiets des dernières annonces faites par le gouvernement concernant la suppression sur la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises) sur deux ans, après le retrait de la taxe foncière.

Ainsi, les Départements n’ont quasiment plus de recettes fiscales directes. De plus, un nouveau pacte de confiance est imposé par le Gouvernement alors même que la Cour des comptes soulignait il y a peu que les collectivités locales ont démontré ces dernières années leurs capacités à modérer leurs dépenses de fonctionnement. Ces deux mesures posent alors clairement le problème de la libre administration des collectivités.

Nous demandons au Gouvernement de garantir une stabilité fiscale et le maintien de nos recettes. Pour cela, nous demandons le maintien de l’impôt sur les entreprises CVAE. C’est à cette condition que nous pourrons garantir des politiques publiques de proximité et solidaires pour l’ensemble des citoyens. C’est à cette condition que nous garantirons la libre administration des collectivités.

Voilà comment se concluait la motion que nous avons souhaité déposer. Il faut croire que nos inquiétudes ne sont pas partagées et que la majorité pense qu’il est possible de faire mieux avec moins. Ce n’est pas notre opinion, pour nous les impôts et la solidarité nationale sont la condition pour développer et pérenniser les services et l’action publics.

Une assemblée tendue

Cette Assemblée départementale s’est déroulée dans un contexte tendu, manifestation devant l’Hôtel du département des oubliés du Ségur qui veulent la même prime que leur collègue, suite de l’affaire de l’ADAT avec l’interpellation de son ancien directeur, etc. 

L’affaire de l’ADAT met au jour de graves dysfonctionnements. Le mis en cause a reconnu sa culpabilité et dit avoir agi par facilité tandis que le procureur déclare que « les fraudes à tous les niveaux démontrent qu’il n’y avait aucun contrôle du conseil départemental ». 

Dans ce contexte, et avec la révélation de nouveaux faits, nous avons réitérés notre souhait qu’une mission d’information à ce sujet, refusée de manière incompréhensible par la majorité au mois de février, soit installée par elle aujourd’hui afin de restaurer la confiance dans l’institution. En réponse : une mission cantonnée au sein du CA de l’ADAT, ce qui n’est pas suffisant.

Du point de vue des décisions, cette Assemblée était surtout consacrée au collège, avec une dotation de fonctionnement pour 2023 qui ne tient pas suffisamment compte de la hausse des couts de l’énergie et qui nécessitera une rallonge conséquente.

Nous demandons par ailleurs une réelle et ambitieuse politique d’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits des collèges. Le plan de sobriété n’est décidément pas à la hauteur et se contente presque uniquement de rappeler les mesures déjà prises et sur la responsabilisation individuelle. 

Cette majorité n’est pas à la hauteur des enjeux. Une fois au pouvoir, ils ont délibérément enterré le plan climat énergie territorial mis sur pied à la fin du mandat de Claude Jeannerot en 2014. Tout comme cette majorité avait enterré le plan pour lutter contre les pollutions des rivières mené avec le ministère de l’Ecologie.

Que de temps et d’argent perdu depuis 2015 ! Nous demandons maintenant des actes et un engagement très fort pour la rénovation des collèges et l’installation de panneaux photovoltaïques sur les toits où ce sera possible. 

Nous sommes par ailleurs très étonnés que, faute d’argent pour la transition énergétique, le Département du Doubs engage encore 1.7 M€ de plus pour la Saline d’Arc-et-Senans. Encore… 

Pollution des rivières : ne pas attendre 2027 pour agir

Image issue du dossier de presse du plan rivières karstiques 2022-2027 (pas le plan) publié par la préfecture 18 jours après sa signature avec le Conseil départemental du Doubs.

C’est par une publication Facebook du département que nous avons appris la signature d’un « plan rivières karstiques 2022-2027 » piloté par la préfecture et le Conseil Départemental du Doubs. D’autres acteurs majeurs et essentiels quand il s’agit de questions d’eau n’étaient pas non plus dans la confidence. C’est incompréhensible, d’autant que ce plan vante les mérites de la transparence et de la coopération.

Cela aurait éventuellement pu se concevoir si, de manière confidentielle, un plan ambitieux avait été acté pour planifier les mesures nécessaires pour restaurer la qualité des cours d’eau du Doubs. Il n’en est rien. Une fois que celui-ci nous a été transmis, après avoir dû le demander, nous sommes tombés de haut.

Le plan « rivières karstiques 2022-2027 » n’en est pas un. Tout est vague et extrêmement concis. Il n’y a ni échéance, ni objectifs, ni moyens. Ce n’est qu’un recensement d’actions en cours ou prévues qui, pour la plupart, tentent uniquement de faire respecter la loi et les réglementations déjà en vigueur. Il ne s’agit pas d’un plan, mais d’une opération de communication basée sur du vide. C’est la raison d’être de « rivières karstiques 2022-2027 », qui ne s’en cache d’ailleurs pas. Chacun pourrait le vérifier si ce « plan » était rendu public par ses promoteurs. Mais il ne l’est pas, et on comprend pourquoi…*

Nous avons surtout la crainte que cela ne camoufle en réalité une reculade. L’unique résolution du plan est de « fixer des objectifs quantifiables, mesurables et atteignables progressivement entre 2022 et 2027 en matière de qualité de l’eau et gestion quantitative de la ressource ». Est-ce que cela signifie que l’échéance pour agir efficacement est repoussée à 2027 ? Dans 5 ans ?

Les scientifiques ont établi dès 2020 les limites de concentration en nitrate et en phosphore qu’il ne faut pas dépasser dans les rivières pour garantir leur bon fonctionnement. Ces chiffres ont été validés en mars 2022 par la CLE (Commission Locale de l’Eau) de l’EPAGE Haut-Doubs-Haute-Loue.

C’est la prochaine étape qui sera déterminante : les concentrations maximales dans l’eau étant connues, il s’agit maintenant de déterminer les flux admissibles pour ne pas les dépasser. Une étude a été commandée à ce sujet par l’EPAGE Haut-Doubs-Haute-Loue et ses résultats sont attendus pour 2024.

Comme cela est rappelé par la Préfecture, la CLE aura donc « à définir les quantités maximales de nutriments (azote et phosphore) que peuvent supporter les cours d’eau du territoire pour diminuer plus fortement le développement des algues qui asphyxient nos rivières. Cela pourra se traduire par des normes de rejets, issus des activités humaines, renforcées. »

Nous demandons que l’EPAGE et la CLE, qui a le pouvoir de rendre un règlement obligatoire, agissent en responsabilité et en cohérence avec les conclusions et les préconisations des scientifiques dès 2024. Une fois la quantité de flux admissibles validée, on ne saurait imaginer que des mesures contraignantes ne soient pas immédiatement mises en œuvre pour les faire respecter. Cela devra concerner les pratiques agricoles, les fromageries, le traitement des eaux usées (individuel et collectif) et les industries.

Les premiers épisodes de mortalité massive datent de plus de 12 ans, il est urgent d’agir pour sauver nos rivières. Alors que toutes les données sont connues, que les responsabilités sont établies scientifiquement, doit-on continuer à sacrifier nos cours d’eau et menacer l’approvisionnement en eau potable de tout un territoire pour le poids économique de l’AOP comté ? Alors que son cahier des charges est en cours de mise à jour, il est exigeant mais manifestement insuffisant, nous voyons là une occasion à ne pas manquer.

Défendre les cours d’eau est trop souvent associé à de l’agribashing. Il ne s’agit pas de s’attaquer au monde agricole ou à un fromage qui fait notre fierté, mais de réduire une pollution que nos sols karstiques ne sont pas en capacité d’absorber et de filtrer. C’est dans l’intérêt de tous, du monde agricole comme de la filière comté. L’agriculture n’est pas la seule responsable, mais son impact est majeur. La profession, tout comme les pouvoirs publics, ne peuvent plus feindre de l’ignorer. Chacun doit agir à son niveau de responsabilité.

*La Préfecture a publié sur sont site le dossier de presse du plan rivières karstiques 2022-2027 (mais pas le plan en lui-même) le jour même de l’envoi de ce communiqué aux médias.
Le site de l’eau du département a publié mi-octobre le plan en lui-même : https://doubs-eau.fr/preserver-et-gerer/plans-dactions/le-plan-rivieres-karstiques-2027-une-ambition-partagee-de-preserver-les-rivieres-du-plateau/

Planoise : propositions des conseillers départementaux Mme Choux et Mr Yugo

Une grande partie des débats de la dernière Assemblée départementale était consacrée à Planoise à notre initiative. Très préoccupés et bouleversés par les derniers événements, et notamment la mort d’un jeune de 15 ans tué par balle sur fond de trafic de drogue, les conseillers départementaux du groupe minoritaire au département du Doubs Monique Choux et Aly Yugo, tous deux résidents dans le quartier, ont souhaité formuler des propositions.

Pour rappel, les Départements sont les chefs de file des questions sociales et des politiques d’insertion. C’est-à-dire que c’est aux Conseils départementaux d’impulser et de coordonner ces politiques. La réponse aux problèmes qui touchent tous les quartiers prioritaires de la ville (QPV), et Planoise de manière très intense, n’est évidemment pas que sécuritaire.

Le groupe Doubs Social Ecologique et Solidaire regrette que le département ne s’implique pas à la hauteur de sa responsabilité dans les instances où il devrait pourtant avoir une place d’acteur incontournable.

Afin de pallier ce manque, et parfois l’absence d’élus de la majorité, Monique Choux et Aly Yugo se sont proposés pour être les représentants du Conseil départemental du Doubs à la Cité Educative, au Contrat de Ville et au CLSPD (Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance) notamment.

En tant qu’experts d’usage et d’habitants de Planoise, ces deux élus seraient une ressource précieuse pour travailler et mettre en œuvre des solutions pour les habitants du quartier sans retirer la prérogative des élus de la majorité du département, parfois plus prompt à critiquer l’action des autres qu’à agir là où ils le devraient.

Pour que l’action publique soit plus efficace, nous avons aussi proposé d’initier une réflexion pour une meilleure coordination des différentes structures du champ social qu’elles soient pilotées par le département, la ville et l’État. Selon nous, il faut que les CMS, les CCAS et les Maisons France Service travaillent en plus étroite collaboration pour que le public puisse s’y retrouver plus facilement entre ces instances.

Dans le cadre d’une mesure d’urgence que l’on pourrait mettre en place rapidement, nous avons aussi proposé par exemple de renforcer la présence d’adultes, de médiateurs, pour accompagner les collégiens sur les trajets entre leur domicile et leur établissement scolaire quand ils passent par des points de deals.

Les mesures à prendre demanderont des moyens que les collectivités ont de plus en plus de mal à rassembler. L’Etat a donc un rôle majeur à jouer en dotant les collectivités locales de moyens suffisants pour mener leurs politiques. Les élus de ces mêmes collectivités devraient tous s’insurger de cet abandon et de la baisse du nombre de fonctionnaires capables d’assurer ces missions toujours plus complexes.