Un plan insertion incomplet et déséquilibré entre droits et devoirs

Suite aux rencontres et au travail de terrain que nous menons, nous avons pu alerter sur un point sensible lors l’Assemblée Départementale du 26 juin en pointant la faiblesse, et quelquefois même l’absence, de dialogue mené par le département auprès des structures du social et du médico-social. Ces structures alertent depuis longtemps les pouvoirs publics sur leurs difficultés qui menacent leurs existences même. Les signaux sont plus qu’au rouge et nous appelons le Département du Doubs à prendre une part active et urgente à la définition d’un cap clair en tant que chef de file des solidarités et de l’action auprès des personnes handicapées et âgées.

Nous avons aussi eu peine à voir ce rôle de chef de file des solidarités lors de la présentation du plan départemental d’insertion et de retour à l’emploi. Nous avons été choqués par les termes qui se retrouvent dans son introduction et qui ont été martelés avec insistance lors de sa présentation par Ludovic Fagaut, vice-président en charge de l’insertion : la collectivité attend des engagements des bénéficiaires du RSA « dans le respect de leurs droits MAIS SURTOUT de leurs devoirs ».

Nous avons dénoncé cette posture idéologique et cet affichage politique qui n’a pas à être gravé dans le marbre d’un plan départemental. Pour nous, il est clair que droits et devoirs s’inscrivent sur le même plan. Cela a d’ailleurs également été rappelé par Christine Bouquin, la présidente, qui a même déclaré que « les droits sont plus importants que les devoirs ». C’est sans doute un lapsus où le « plus » a été dit à la place « d’autant », mais cela démontre bien les incohérences et les divergences à ce sujet au sein de l’exécutif et ne change rien sur le fond : le discours n’est pas le même entre la Présidente et ce qui est écrit dans le plan et répété avec insistance par le Vice-Président.

Du fait du déséquilibre revendiqué entre droits et devoirs, ce plan reste incomplet. S’il instaure une cellule de vérification des droits pour traquer la fraude, les moyens mis pour surmonter les freins à l’emploi (mobilité, santé, exclusion numérique, difficultés financières) restent largement insuffisants. Rappelons également que quand contrôle il y a, cela permet très souvent d’identifier des droits dont la personne n’a pas connaissance et que le taux de non-recours au RSA est très élevé. Au niveau national, 34% des personnes qui pourraient en bénéficier ne font pas la demande de RSA chaque trimestre. Sur un an, le taux de non-recours est de 20%.

Ce plan d’insertion et de retour à l’emploi met aussi en œuvre les nouvelles modalités de financement des SIAE, les Structures d’insertion par l’activité économique. En conditionnant une grande partie des financements à des objectifs de sorties positives, les SIAE se concentreront dorénavant sur le public le plus facile, ceux qui sont proches de l’emploi. C’est une très bonne chose de proposer très vite une solution à ces personnes avant que les difficultés s’accumulent. Mais contrairement à ce qui nous a été affirmé, cela est loin de faire l’unanimité auprès de ces structures. Les SIAE et les acteurs de l’insertion que nous avons rencontrés craignent de ne pas atteindre leurs objectifs, et donc de voir leur financement baisser, et aussi de laisser de côté les personnes les plus éloignées de l’emploi.

Ce Plan 2023-2028 a aussi un timing bien particulier puisqu’il est soumis au vote quelques semaines avant que la loi France Travail portée par le gouvernement ne soit elle-même votée. Une loi qui bouleversera toute la politique d’insertion…

Refus de notre MIE : la pollution de l’eau reste taboue dans le Doubs, nous proposons une convention citoyenne

Plutôt que voter notre mission d’information et d’évaluation (MIE) sur la pollution des rivières du Doubs et montrer une réelle volonté d’avancer sur ce dossier, la majorité a préféré une nouvelle fois éviter le sujet et littéralement noyer le poisson.

Le ton était donné d’entrée quand nous avons eu la surprise de voir l’intitulé de notre MIE renommée arbitrairement. Il n’était plus du tout question de pollution, comme l’exposait clairement son objet, mais de politique de l’eau… Cherchez l’erreur.

Cela préparait le terrain à une présentation hallucinante à quatre voix de plus de deux heures, presque entièrement hors sujet. Si certains conseillers départementaux ont pu découvrir la politique départementale de l’eau, il n’a pas été beaucoup question des pollutions.

Le refus de notre MIE et la manière dont elle a été traitée prouvent une chose : travailler sur les causes de la pollution des rivières est encore tabou au département du Doubs.

Après cette très longue présentation, nous avons pu justifier notre demande de MIE et débattre. 30 ans après les premières alertes des pêcheurs, nous avons décidé de tirer solennellement à notre tour, et après bien d’autres, le signal d’alarme.

Pour monter en compétence et comprendre ce qu’il est possible de faire pour régler la question, les élus du groupe DSES ont rencontré scientifiques, ingénieurs agronomes, politiques et syndicalistes.

Personne ne nie la situation catastrophique pour les rivières et les poissons. Les épisodes de mortalité sont souvent la conséquence de l’eutrophisation des rivières, causée par un apport trop important d’azote et de phosphore qui favorise la prolifération des algues et qui diminue la teneur en oxygène de l’eau.

Les causes de cette pollution sont multifactorielles et proviennent des rejets domestiques, industriels et agricoles, mais la part de l’agriculture est écrasante. L’heure n’est plus à le nier. Entre 70 et 80 % des flux d’azote (nitrates) et de phosphore sont issus de l’activité agricole et c’est donc sur ce levier qu’il faut maintenant agir si nous souhaitons des résultats.

Énoncer ce constat n’est pas être contre les agriculteurs. Au contraire, nous pensons que c’est de ne pas tenir ce discours de vérité qui dénigre les agriculteurs.

Pour la période 2019-2021, la valeur médiane des concentrations en nitrate mesurées dans tout le Doubs est de 7,6 mg/L. Il faut mettre ce chiffre en rapport avec ceux des scientifiques du laboratoire chrono-environnement et adoptées par l’EPAGE Haut-Doubs Haute-Loue au printemps 2022. Ils établissent une concentration naturelle de 0,3 à 3 mg/L et définissent des concentrations maximales admissibles de 1,3 à 3,5 mg/L. Il reste beaucoup de chemin pour atteindre ces valeurs. Seuls 10 % des mesures sont inférieures à 2,4 mg/L et 10 % dépassent 18,3 mg/L.

Si nous voulons réduire la pollution de nos rivières et restaurer la vie aquatique, il faudra donc certainement se résoudre à réduire le nombre de têtes de bétail et/ou la production laitière sur certains territoires sensibles. Il faudra donc aussi trouver des mesures d’accompagnement.

Nous sommes conscients que cela implique un changement culturel majeur dans une région où l’élevage est extensif et où les agriculteurs suivent déjà un cahier des charges strict et rigoureux. Conscients aussi des risques économiques, que ce soit au niveau de chaque ferme ou de la filière Comté.

Ce défi est sans doute le plus important pour notre territoire, mais nous sommes certains de pouvoir le relever, de concilier Comté et vie aquatique. Cela ne sera sans doute pas simple et pourrait générer quelques tensions.

Nous lançons l’idée d’une forme de convention citoyenne territoriale pour traiter des pollutions de l’eau et des solutions à mettre en œuvre. Cela pourrait être une manière novatrice et efficace de parvenir démocratiquement à un consensus pour régler le problème des pollutions et accompagner la transition nécessaire.

Image générée avec l’intelligence artificielle DALL-E suite à une requête demandant une peinture d’après le style de Gustave Courbet représentant des truites mortes au bord de la Loue.

Le département du Doubs votera-t-il la mission d’information sur la pollution des cours d’eau le 20 mars ?

Image générée avec l’intelligence artificielle DALL-E suite à une requête demandant une peinture d’après le style de Gustave Courbet représentant des truites mortes au bord de la Loue.

Les 12 élus du groupe Doubs Social Écologique et Solidaire (DSES) ont demandé la création d’une Mission d’information et d’évaluation (MIE) sur la pollution des cours d’eau.

Elle sera soumise au vote de l’Assemblée départementale le 20 mars à partir de 14h30.

Le Département du Doubs est en première ligne sur l’eau et nous saluons les initiatives menées, en particulier par le biais des EPAGE, pour restaurer et protéger les milieux humides et les rivières.

C’est bien, mais pas suffisant au vu des résultats. Il est temps que la collectivité redevienne la force motrice qu’elle a été pour réduire toutes les sources de pollution.

En 2016, cette volonté avait abouti au rapport Vindimian, qui visait à instaurer un label d’excellence environnementale aux filières locales.

Plutôt que de saisir cette opportunité, la majorité actuelle avait préféré alors l’enterrer.

Après ce rendez-vous manqué, et deux jours avant la journée mondiale de l’eau, tous les Conseillers départementaux devraient saisir l’occasion de voter cette MIE pour marquer concrètement un changement de braquet et entamer un réel processus de concertation.

Si nous souhaitons agir collectivement pour restaurer la qualité des cours d’eau, l’une des solutions semble toute trouvée : anticiper dès maintenant les résultats de l’étude scientifique en cours sur les flux admissibles (cf notre communiqué d’octobre suite à la signature du plan rivières karstiques 2022-2027).

Ce travail déterminera la quantité maximum de polluants qui peuvent être déversés dans le milieu naturel pour ne pas dépasser les mesures cibles de pollutions dans les rivières.

Assurément, cela signifie, entre autres, une réduction et une meilleure maitrise des épandages agricoles.

C’est justement l’une des missions fixées à Commission Locale de l’Eau (CLE) du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux Haut-Doubs Haute-Loue (SAGE).

Bien conscients des enjeux, de ce que cela implique sur le terrain et des difficultés en cours et à venir, nous pensons qu’un calendrier de mesures exigeantes et un plan d’accompagnement des acteurs concernés doit être débattue de manière urgente et démocratique.

Adieu l’épargne brute, bonjour les emprunts

La cession du budget prévisionnel 2023 débute l’inversion de la logique portée jusqu’alors par la majorité. Adieu l’épargne brute, bonjour les emprunts. C’est en complet désaccord avec tous les discours portés auparavant par les élus de droite. Pourtant, ils n’avaient manqué aucune occasion de critiquer la vision que l’on défendait avec constance : investir pour l’avenir.

Seulement le sens des priorités porté par la majorité de droite n’est pas le nôtre. Certaines politiques dispendieuses continuent d’être priorisées. C’est le cas des dépenses consacrées à la Saline, qui nous paraissent disproportionnées : 34 millions d’euros sur 15 ans. Alors que les doubiennnes et les doubiens viennent seulement d’apprendre dans les colonnes de la presse régionale, un an et demi après la réélection de la majorité, les grandes lignes de leur programme, certains choix étaient clairs depuis le départ.

Nous comprenons bien qu’il s’agit de préserver la valeur d’un patrimoine exceptionnel classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Mais certaines dépenses pourraient être évitées. Et certaines nous interrogent plus que d’autres. Nous nous questionnons sur la prise en charge par la collectivité de certains frais liés aux activités d’« acteurs culturels », notamment ceux liés à la startup Musicampus. Il est à noter que nous n’avons eu aucune réponse à ce sujet en Assemblée.

Sens des priorités, toujours. Le département engage seulement maintenant le programme de modernisation des collèges, alors que tout était sur la table depuis plusieurs années. S’agissant d’une compétence essentielle des départements, c’est une faute majeure de ne pas l’avoir réalisé plus tôt. Une faute qui coutera très cher au contribuable. Des collèges qui n’ont pas été rénovés, c’est des dépenses énergétiques inutiles. Cela est d’autant plus vrai avec l’envolée des couts de l’énergie et des matériaux.

Tardif aussi est la présentation d’un plan climat. Alors que celui qui était dans les cartons lors de l’arrivée de la droite aux manettes du Doubs en 2015 a été remisé, c’est contraint par la loi que la collectivité présente enfin le sien en 2023, avec les objectifs de baisse réglementaire des émissions de CO² et une volonté d’aller un peu plus loin que ce que dit la loi aujourd’hui. Nous nous sommes en majorité positionné pour le plan de transition climatique, même si nous conservons quelques réserves et que nous serons très vigilants sur son application et sa mise en œuvre. L’un des moyens pour ce faire est de pérenniser une commission de travail spécifique, avec des résultats quantifiés nous permettant de constater ensemble les premiers effets.

Enfin une ébauche de programme et refus de notre motion

Cette Assemblée départementale consacrée aux orientations budgétaires 2023 a enfin permis à la majorité de présenter une ébauche de programme, un an et demi après leur réélection. Au menu des prochaines années : l’emprunt.

Malheureusement pour la collectivité, ce revirement intervient alors que les taux d’intérêt des emprunts passent d’environ 1% à environ 3.5%. Au total, cette différence de taux sur les emprunts représente plusieurs millions d’euros d’argent public de différence sur plusieurs années.

Nous sommes heureux de cette prise de conscience. Mais comme nous n’avons cessé de le réclamer, c’est avant qu’il fallait utiliser le levier de l’emprunt pour financer, notamment, la transition énergétique avec la rénovation des collèges. Tous les plans étaient là, il ne manquait que la volonté politique de la majorité pour inverser leur logique de financement et abandonner sa politique de désendettement pourtant maitrisée.

Au vu des débats et des interventions parfois contradictoires de la majorité sur la bonne politique financière publique à tenir, revenir sur leurs ambitions n’a pas dû être chose facile. Au cours de la présentation des Orientations budgétaires, nous avons successivement eu droit à la défense de la nécessaire capacité de désendettement et à la projection que celle-ci passerait de 3.7 années fin 2022 à 7 ou 8 ans fin 2026.

Dans le contexte actuel plein d’incertitude, construire un budget pour l’année suivante, et à fortiori pour les prochaines années n’est pas une chose facile. Nous sommes en désaccord avec les choix politiques et les priorités de la majorité départementale, mais elle n’est pas seule responsable. En effet, nous sommes très inquiets des dernières annonces faites par le gouvernement concernant la suppression sur la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises) sur deux ans, après le retrait de la taxe foncière.

Ainsi, les Départements n’ont quasiment plus de recettes fiscales directes. De plus, un nouveau pacte de confiance est imposé par le Gouvernement alors même que la Cour des comptes soulignait il y a peu que les collectivités locales ont démontré ces dernières années leurs capacités à modérer leurs dépenses de fonctionnement. Ces deux mesures posent alors clairement le problème de la libre administration des collectivités.

Nous demandons au Gouvernement de garantir une stabilité fiscale et le maintien de nos recettes. Pour cela, nous demandons le maintien de l’impôt sur les entreprises CVAE. C’est à cette condition que nous pourrons garantir des politiques publiques de proximité et solidaires pour l’ensemble des citoyens. C’est à cette condition que nous garantirons la libre administration des collectivités.

Voilà comment se concluait la motion que nous avons souhaité déposer. Il faut croire que nos inquiétudes ne sont pas partagées et que la majorité pense qu’il est possible de faire mieux avec moins. Ce n’est pas notre opinion, pour nous les impôts et la solidarité nationale sont la condition pour développer et pérenniser les services et l’action publics.