C’est Damien Charlet, conseiller départemental d’Audincourt qui a porté ce 28 février la voix du groupe lors de cette Assemblée départementale extraordinaire qui statuait sur notre demande de mission d’information et d’évaluation au sujet de l’ADAT.

Cette Assemblée départementale extraordinaire est un moment déterminant de notre mandature. Nous aurons à décider de la création, ou non, de la mission d’information et d’évaluation que nous avons sollicitée concernant la gestion de l’ADAT, l’Agence départementale d’appui aux territoires.

Cette demande vous a été adressée le 13 décembre 2021, après la révélation dans la presse de premiers éléments semblant indiquer que de l’argent public a été détourné au sein de l’ADAT au profit de son directeur.

Vous aviez alors réagi, contraint par la force des choses, acculé alors que l’affaire allait sortir dans la presse, et bien après les premières alertes que nous avons contribué, parmi d’autres, à vous transmettre.

Madame la présidente, en même temps que le grand public apprenait les soupçons qui pèsent sur le directeur d’une agence départementale publique que vous présidez, vous annonciez alors la suspension du directeur, que le procureur a été averti par vos soins et que vous aviez mandaté un cabinet privé pour, je cite vos propos, « éplucher les livres de comptes ».

Et de comptes épluchés, nous n’en avons pas vu beaucoup !

Le rapport du cabinet KLOPFER que nous avons à examiner lors de cette séance se contente d’un focus sur les dépenses effectuées par la carte d’achat mis à disposition du directeur.

Et si nous nous questionnions, tant sur le caractère vraiment indépendant d’un cabinet privé que sur les moyens d’action dont il dispose pour mener sa mission dans un tel contexte, force est de constater que derrière des formules volontairement prudentes, derrière les tentatives désespérées de se raccrocher aux branches pour signaler que certaines dépenses suspectes pouvaient, peut-être, éventuellement, se justifier au regard des besoins et des missions de l’ADAT, le rapport du cabinet pointe de graves dérives et n’a pas pu démontrer que la majeure partie des dépenses effectuées par la carte bancaire à disposition du directeur étaient de nature professionnelle.

Malgré toutes les précautions qu’il se devait de prendre, le rapport est à la fois éclairant et édifiant.

En effet, sur 285 achats réalisés entre janvier 2019 et octobre 2021, pour un montant total de 46 260 €, 244 achats n’ont pas de justificatifs. Et quand ils en ont, il ne s’agit souvent que d’un mot. « En l’état actuel des choses, il n’a donc pas été possible de connaitre avec précisions la nature réelle des achats », précise le rapport.

Contrairement aux règles en vigueur donc qui imposent de justifier la nature de toutes les dépenses publiques, il n’y a aucun justificatif pour 85% des achats réalisés par le directeur, porteur de la carte bancaire de l’ADAT.

Accablant, surtout quand on sait que parmi ces dépenses, plus de 17 500 € l’ont été chez Amazon, près de 3 000 € dans une grande surface, que des achats ont été réalisés avant Noël et jusqu’au 24 décembre, dans des magasins de décoration et d’articles culturels, entraînant la suspicion à peine voilée des auteurs du rapport que ceux-ci soient liés à des cadeaux personnels, etc.

Ce rapport est parcellaire, se contentant de tenter d’analyser les dépenses effectuées par la carte d’achat sur moins de trois ans et ne répond pas à nos demandes de transparence concernant les éléments financiers que nous souhaiterions examiner dans le cadre de notre mission d’information et d’évaluation.

Notre demande de mission repose sur 4 points, comme vous avez pu le lire :

  1. Mener un bilan complet de l’action de l’ADAT depuis sa création
  2. Effectuer un examen des comptes et des dépenses de l’ADAT depuis sa création
  3. Clarifier le mode de gouvernance de l’ADAT et enfin
  4. Mener une réflexion sur ses missions et son avenir.

Cela doit être pertinent puisque vous avez utilisé presque mot pour mot ces 4 points pour constituer l’ordre du jour du CA de l’ADAT réuni le 10 février dernier.

Seul le premier point, notre demande concernant le bilan de l’ADAT depuis sa création, nous apparait satisfaite à la lecture du Bilan d’activité de l’ADAT 2017-2021 et nous remercions les services qui ont contribué à ce travail de synthèse qui nous offre une vue complète des missions de l’ADAT et de leurs pertinences.

Concernant le sujet de la gouvernance de l’ADAT, nous saluons les décisions prises lors du dernier conseil d’administration, celles-ci vont dans le bon sens. Mais l’examen de la gouvernance, jusqu’ici, reste inexploré, tout comme les réflexions concernant l’avenir de l’ADAT, et cela devra être traités dans le cadre de cette mission, qui nous n’en doutons pas, sera collectivement votée par notre assemblée aujourd’hui.

Mais comme nous l’avons déjà dit, le point le plus important, celui qui concerne l’examen des comptes et des dépenses de l’ADAT, n’est traité que partiellement par le rapport.

Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette analyse incomplète, qui ne porte que sur les dépenses de carte bancaire, et qui ne permet pas de trancher véritablement la nature, professionnelle ou non, des dépenses faute d’investigations suffisantes et de capacité à les mener.

Il faut également rappeler ici que le rapport ne délivre pas de conclusions, mais renforce encore les doutes existants :

De 10.000 € de dépenses suspectes effectuées via la carte bancaire d’après l’article de l’Est républicain, nous passons à plus de 46 000 € de dépenses, dont seulement 8 300 € sont justifiées par une facture conservée par l’ADAT et dont certaines ont été livrées à son domicile personnel.

La carte d’achat n’a pas été paramétrée comme le demande la législation. Comment a-t-on pu laisser cela se faire sans aucun contrôle ? Comment peut-on arriver au chiffre effarant de 85% d’achats non justifiés, ne serait-ce que par un mot ?

Les voitures de fonction dédiées au directeur sont aussi pointées du doigt. On apprend donc que deux voitures sont à sa disposition, dont une voiture allemande, et que la flotte globale des véhicules de l’ADAT fait l’objet d’une gestion atypique selon le rapport, entre flotte propre et locations.

Encore plus accablant, le rapport nous invite aussi à creuser de nouvelles pistes. La plus significative est celle qui concerne les rémunérations. Cela nous semble une dimension cruciale et nous espérons que cette mission d’information nous apportera, à nous conseillers départementaux et à l’ensemble de nos concitoyens, des explications sur les modalités d’attribution du salaire du directeur et du montant extravagant de ses primes.

Le rapport indique en effet que le budget de l’ADAT est « spécialement développé pour les compléments de rémunération » et s’interroge ouvertement sur la proportion entre les rémunérations principales et les autres aspects de la rémunération, notamment les primes. Le rapport indique clairement que son étude n’entre pas dans le détail de ce volet, mais que les dépenses qui relèvent des rémunérations ont fait l’objet d’un examen particulier. Cet examen, nous vous le demandons, dans le cadre de la mission.

Vous comprenez bien que nous ne sommes pas satisfaits des réponses qui ont pu nous être apportées jusque-là et que l’intérêt de cette mission d’information est encore consolidé.

Nous ne comprendrions pas pourquoi les voix de la majorité ne se joindraient pas aux nôtres pour identifier, ensemble, les défaillances de notre institution que cette affaire semble pointer. Cette mission d’information permettra d’exercer concrètement le contrôle qui doit nécessairement accompagner l’exercice de la démocratie. Et ce contrôle, indispensable pour prévenir les abus, ne semble pas avoir été mis en œuvre dans le cas de l’ADAT.

Les missions d’informations et d’évaluations sont prévues par la loi, largement utilisées par l’ensemble des institutions, dans les communes, EPCI, départements, régions, Assemblée nationale, Sénat. Le département du Doubs ne saurait y faire exception.

Les missions d’informations et d’évaluation sont en effet l’une des seules possibilités offertes au groupe politique minoritaire de mener des travaux de contrôle sur les modalités d’exercice du pouvoir et sur l’efficacité des dispositifs mis en œuvre. C’est un outil naturel de contrôle démocratique et de transparence.

Nous ne serons pas seuls dans cette commission, mais accompagnés par les élus de la majorité que vous auriez désignés. Nous travaillerons ensemble, et dans le respect du caractère confidentiel de ces missions, pour mesurer l’ampleur du problème et comprendre comment tout cela a pu se produire.

Il est tout à fait légitime que les élus du Conseil départemental puissent évaluer le fonctionnement d’une agence départementale, se demander s’il est pertinent que les dépenses publiques effectuées par carte bleue, en partant du postulat que certaines sont liées effectivement aux besoins de l’agence, soient effectués auprès d’Amazon plutôt que dans un commerce traditionnel.

Comment de telles défaillances du système de contrôle ont pu perdurer et rendre possible une telle situation ?

Sur la base de quelle grille sont établis les salaires et les primes des dirigeants de l’ADAT ?

Quelle est la politique générale du département concernant les primes ?

Ces questions doivent être traitées dans le cadre de la mission d’information, et pas dans celui du CA de l’ADAT.

Chers collègues, vous le savez aussi bien que nous.

Au fur et à mesure du temps qui s’écoule depuis la révélation de l’affaire, les langues se délient, parmi les citoyens, parmi vos sympathisants, d’anciens élus, des élus actuels, des personnes des services.

Tous nous encouragent à poursuivre, nous apportent d’autres éléments, confortant des rumeurs anciennes qui circulent à propos du comportement de l’ancien directeur.

Notre combat ne sera pas celui d’une chasse aux sorcières dirigée contre un individu. Si la justice pointe sa culpabilité, des sanctions suivront.

Plus largement, ce que nous nous souhaitons, c’est prendre de la hauteur, chercher à comprendre comment un système peut laisser des individus en roue libre avec un comportement manifestement contraire à l’intérêt général.

Comme le dit l’adage, la confiance n’exclut pas le contrôle.

Vous en faites l’expérience, vous connaissez l’ancien directeur depuis plus de 30 ans, il était avec vous à la Mairie de Charquemont puis à la tête de votre cabinet qu’il a quitté pour prendre la direction de l’ADAT. Vous avez confiance en lui, vous n’étiez pas la seule.

Le président de la commission 3 nous avait confié, juste avant la publication de l’article dans l’Est Républicain, je cite « nous avons toute confiance en lui », quand nous nous inquiétions, au mois de novembre, de l’absence de CA de l’ADAT depuis le début de cette mandature.

Vous lui faisiez confiance et aujourd’hui vous portez plainte contre lui comme vous nous l’avez annoncé lors du CA de l’ADAT.

N’ayant pas peur des mots, notre vote, celui de la majorité en l’occurrence, déterminera la crédibilité de notre institution, prouvera ou non son désir de manifester plus de transparence, plus de probité et d’améliorer ses pratiques.

Chers collègues de la majorité, c’est vous qui déciderez dans quelques minutes, en toute conscience, de faire le choix de la transparence ou celui de l’opacité. Et bien évidemment, seule la première option est valable si vous souhaitez respecter à la fois l’institution et les citoyens que vous représentez.

1 réponse sur “Discours de notre demande de mission d’information et d’évaluation sur le thème de l’ADAT

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