Liminaire du BP 2025

Discours Liminaire prononcé le 16 décembre 2024 par Raphaël KRUCIEN en ouverture de l’Assemblée Départementale consacrée au budget prévisionnel 2025

Madame la Présidente, chers collègues,

Ce budget prévisionnel 2025 est un peu spécial. Et pour cause, ni vous, ni personne, ne connaissez le montant des dotations que l’Etat versera au Département l’année prochaine.

C’est une situation particulière.

Car chacun en conviendra, construire un budget sans avoir une idée claire de ses recettes est un exercice périlleux. Forcément incertain.

Il y a deux mois, au moment de débattre des orientations budgétaires, nous vous avions demandé de le repousser. D’attendre le vote de la loi de finances avant de finaliser un budget correspondant à la réalité plutôt que d’en adopter un qui serait immédiatement caduc.

Beaucoup de collectivités ont décidé de reporter ce vote en attendant de connaitre le sort que l’Etat leur réserverait.

Mais force est de constater que, mi-décembre, nous n’avons toujours aucune visibilité…

Pire, rien ne permet de dire qu’une clarification verra le jour dans les prochaines semaines ou les prochains mois alors que vous aviez décidé d’une solution alternative : soumettre au vote une décision modificative exceptionnelle en février censée prendre en compte l’impact de la loi de finances.

D’ailleurs, peut-être faudra-t-il l’attendre encore un bon moment…

Le déroulement des événements donne finalement raison à votre stratégie, en tout cas pour le moment… Il faut savoir le reconnaitre.

Il faut avancer. On ne peut pas se permettre d’ajouter du flou au flou, nous avons le devoir d’être au rendez-vous de nos citoyens. Donner un cap comme vous vous plaisez à la dire.

Même dans le brouillard. Même si la machine de l’Etat s’enraye et qu’il n’a pas la capacité de voter lui-même son budget.

L’énorme problème, c’est que votre cap ne répond pas aux besoins.

Certaines politiques, certains soutiens, certains dispositifs, certaines associations, certaines personnes, et les plus faibles notamment, seront fatalement victimes de cette tempête financière

La situation budgétaire du Département est dans le rouge, et proche du noir. Le paquebot prend l’eau de toute part. Pour éviter le naufrage, vous actez un plan de rigueur, que vous appelez plan de maitrise des dépenses.

Ce plan, vous l’avez préparé de longue date. Vous avez même commencé à le déployer dès mars, évidemment sans en faire la publicité à ce moment-là.

Vous avez écopé, opéré un travail de « quoi qu’il en coupe » qui vous permet aujourd’hui de présenter avec fierté un budget identique au quasi-CA 2024 en volume de recettes et de dépenses.

Un budget qui stagne donc avec des investissements en baisse alors que nos besoins augmentent. Un budget qui pourrait en plus se voir amputer en plus de 25M€ si le gouvernement Bayrou suivait celui de Barnier.

Vous savez, la dette et le déficit nous préoccupe aussi.

Mais ce qui nous préoccupe davantage encore, c’est de rendre le monde vivable pour nos enfants.

La dette n’est pas juste un indicateur comptable pour les marchés financiers ou les agences de notation, c’est l’instrument indispensable pour servir l’avenir. Et nous savons que le sujet de l’enfance nous occupera beaucoup.

Malheureusement, les choix que vous faites aujourd’hui empêchent la collectivité de se projeter vers l’avenir. Chose sans doute inédite, on ne s’apprête à voter des autorisations de programme ou d’engagement que pour l’année qui vient. Et on reporte les décisions nécessaires pour mettre en œuvre un programme voté : les rénovations des collèges. Pierre angulaire de notre plan climat et témoignage de respect à l’égard de nos enfants.

Pour vous, l’horizon s’arrête à 2025. On navigue à vue, contraint par un mauvais courant sans penser au futur. Vous construisez un budget d’insécurité, sans vision, avec pour seule boussole la cure d’austérité que vous souhaitez imposer aux Doubiennes et aux Doubiens.

Certes, vous avez un stock d’AP résiduelles conséquente. Mais nous sommes très inquiets sur ce point.

N’est-il pas trop conséquent ? Nous craignons que vos dépenses faramineuses sur d’autres programmes empêchent la collectivité d’agir sur l’essentiel. Vous renoncez déjà avec ce budget à certains crédits qui auraient dû être affecté à la rénovation des collèges ou au Fonds Additionnel Transition Climatique et Energétique, qui nous apparait comme potentiellement délaissé sur l’hôtel de la rigueur.

Or, c’est cette dette-là, qui sert l’avenir. Certainement pas les investissements pour des projets du passé ou qui relèvent du faste et de l’accessoire

Ce budget c’est un peu votre constat d’échec. Vous n’avez plus les moyens de vos ambitions et vous subissez en plus les choix de ceux qui veulent imposer l’austérité à l’ensemble du pays. Vous affichez même avec fierté votre démarche de politique de rigueur qui conduit à une économie de 30M€.

Pour garder la face, tenter de conjurer un asséchement plus grand encore, vous vous déclarez en résistance. Mais en résistance contre qui exactement ?

En résistance contre l’Etat et son éphémère gouvernement Barnier qui voulait amputer les recettes de notre département de 25 M€ supplémentaires ?

Doit-on vous rappeler qu’il s’agit de votre propre famille politique qui se pense légitime à gouverner la France avec 6% des voix aux législatives ?

Nous avons un nouveau premier ministre depuis vendredi, François Bayrou qui devrait s’inscrire dans la même logique, Est-ce que vous allez poursuivre votre résistance ?

A bien y penser, c’est quand même incroyable de songer que vous vous plaignez de subir les conséquences directes du marqueur le plus emblématique de l’idéologie de votre courant politique : la baisse de la fiscalité à tout prix. Cela n’a jamais été autant si décalé par rapport à notre réalité. Mais votre camp politique persiste.

Alliée des Macronistes, la droite française se bat avec constance pour diminuer toujours plus les impôts et en particulier ceux des plus fortunés du pays

Forcément, les recettes en pâtissent comme le montrent les chiffres depuis 2017. On se prive de capitaux indispensables pour garantir notre modèle social et engager les dépenses nécessaires à l’adaptation au changement climatique.

Et avec moins de recettes, nous n’avons que deux choix : vivre au-dessus de nos moyens avec la dette ou dépenser moins. Aujourd’hui, c’est vers la rigueur et l’austérité que l’on tend.

Alors que comptez-vous faire ? Quelle est votre vision ? Tout dégrader d’années en années ?

Regarder ligne par ligne les économies que l’on peut faire en bon comptable alors que l’on est déjà au bord de la rupture ?

Allez-vous suspendre le versement du RSA et arrêter la prise en charge des nouveaux mineurs accompagnés au 1er janvier si l’Etat ne revient pas sur les ponctions budgétaires prévues en 2025 comme vous l’avez annoncé avec tous les départements de droite ?

Voulez-vous vraiment organiser l’insécurité sociale et pointer les migrants comme responsables de notre situation budgétaire ?

Ou alors préférez-vous peut-être faire appel au mécénat pour assurer les missions de service public dont vous avez la charge, comme vous le proposez de manière hallucinante avec la politique de l’enfance ? C’est ça votre modèle ? Inciter à la charité comme au XIXème siècle plutôt que de réclamer plus de justice fiscale et sociale comme le réclame l’écrasante majorité de nos concitoyens ?

Nous n’avons clairement pas la même idée de l’avenir.

Rien n’est facile ni complétement prévisible en politique. Mais nous avons une proposition de bon sens à vous faire, une vieille idée toute simple qui permettrait de redonner aux Départements la capacité à assurer le financement de l’ensemble de leurs compétences : créer un nouvel impôt sur les hauts patrimoines.

C’est le vœu que nous vous avons présenté ce matin et qui sera débattu en fin de session.

Nous croyons que pour le bien de tous, chacun doit prendre ses responsabilités et dépasser les clivages galvaudés qui sclérose le débat public et nous éloigne des réalités de notre société. Nous sommes d’accord, entrons en résistance oui. Mais pour nous redonner les moyens d’agir avec les bons outils, pas avec des renoncements.

Parce que l’irresponsabilité n’est pas du fait de ceux qui censurent un Gouvernement minoritaire.

L’irresponsabilité vient du plus haut sommet de l’Etat, avec un Président qui n’accepte pas le résultat des urnes et qui s’entête à construire un gouvernement sans légitimité démocratique.

Le responsable de la situation est à l’Elysée. Montrons-lui ensemble que nous sommes capables de trouver des solutions nouvelles avant qu’il ne soit trop tard, et que l’on perde totalement notre crédit déjà bien abîmé.

Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à vivre ensemble dans le présent et dans le futur. La responsabilité, c’est répondre à l’intérêt supérieur de la Nation. Et donc ouvrir le chantier de la justice fiscale dans le pays.

Alors oui c’est très dur de gérer un département sous un gouvernement de droite.

C’est dur pour vous et ce serait également dur pour nous à votre place.

Cette gouvernance provoque l’insécurité.

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