Discours Assemblée Départementale 24/03/25

Propos liminaire de Raphaël Krucien prononcé le 24 mars 2025 lors de l’Assemblée Départementale consacrée à la première Décision Modificative du budget. Des travailleurs sociaux manifestaient devant l’Hôtel du Département pour protester contre une coupe du budget de la prévention spécialisée qui fait craindre la disparition d’un tiers des éducateurs de rue. Il est aussi question d’eau et de priorisation des travaux à mener dans les collèges.

En préambule de nos propos, je voudrais tout d’abord saluer nos pompiers pour l’organisation, sans failles, de leur cross national ce weekend à Besançon.

Des milliers de sapeurs sont venus de toutes les régions de France, outre-mer compris, pour partager une journée sportive et festive.

Ce fut une réussite.

Une réussite, tout comme la manifestation qui a réuni près de 1000 personnes à Ornans samedi.

Là-bas, l’heure était un peu moins à la fête, puisqu’il s’agissait de « l’enterrement de la Loue ». Quinze années après les premières alertes, tout est pire.

Toujours moins de poissons, moins d’insectes, moins de vie. Les rivières meurent, empoisonnées depuis trop longtemps et déjà dangereusement diminuées lors des épisodes de sécheresse qui se multiplieront dans le futur sous l’effet du dérèglement climatique.

C’est peu dire que la situation est catastrophique.

Tout le monde en a conscience. Des premiers efforts sont à saluer. Ils ont été présentés la semaine dernière lors d’un point d’étape du plan rivières karstiques, dont le Département est partenaire avec la Préfecture.

Initiée par le pôle régional de l’environnement du parquet de Besançon, puis renforcée par les services de l’Etat, la pression judiciaire et administrative exercée sur les fromageries pour la mise en conformité de leurs rejets a payé.

Aujourd’hui, toutes les fromageries sont aux normes. Respecter la loi est un bon début, mais cela ne suffira pas. Pas plus que les travaux de restauration de certains cours d’eau sur quelques kilomètres, bien que forts utiles.

Mettre en avant les actions réalisées est, certes, nécessaire, mais vous n’êtes attendus que sur une chose : les résultats.

Pour contextualiser les choses, il est utile de citer l’étude Nutri-Karst, qui hiérarchise les sources de pollution. La transformation du lait est responsable de 0.4% des apports d’azote et de 0.6% des apports de phosphore, les rejets domestiques c’est 7% de l’azote et 5% du phosphore. Le principal émetteur est l’agriculture, qui concentre 92% de l’azote et 95% du phosphore.

Il n’y a besoin d’aucune autre explications pour savoir où il faut agir en priorité. Rien ne sera réglé tant que la quantité d’azote et de phosphore rejetée sur nos belles prairies ne baissera pas. Alors la question est simple pour les citoyens qui ne peuvent se satisfaire de belles paroles : existe-t-il une réelle volonté réelle de la collectivité et des services de l’Etat de régler le problème de la pollution et d’agir sur ses causes ?

La réponse à cette question est en grande partie liée à celle du devenir de l’étude sur les flux admissibles menée par l’EPAGE Haut-Doubs-Haute-Loue. Alors pour donner un peu de substance à l’effort de communication que vous avez entrepris la semaine dernière, nous aimerions une réponse claire. Est-ce que l’EPAGE et la Commission locale de l’eau se fixent toujours pour objectif de baisser les quantités d’azote et de phosphore que l’on retrouve dans les rivières jusqu’à parvenir aux seuils admissibles par le milieu, c’est-à-dire, tout simplement garantir une vie aquatique ?

Autre question qui nous préoccupe beaucoup dans ces temps de rigueur budgétaire. Pouvez-vous prendre aujourd’hui l’engagement de maintenir jusqu’à la fin de votre mandat les subventions que le Département verse pour améliorer les systèmes d’assainissement de notre territoire ?

Tout récemment, c’est devant la justice que la question générale de la qualité des cours d’eau s’est posée à peu près dans ces mêmes termes.

Saisi de deux recours portés par l’association Eaux et Rivières de Bretagne, le tribunal administratif de Rennes enjoint, et je le cite, « au préfet de la région Bretagne de prendre dans un délai de dix mois toutes les mesures nécessaires pour réduire effectivement la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole sur le territoire breton, en se dotant notamment d’outils de contrôle permettant un pilotage effectif des actions menées ».

Nous le voyons bien à travers cet exemple. En dernier ressort, seule une justice indépendante et le droit sont à même de garantir le respect des lois et de l’intérêt général face aux lobbys, aux puissances économiques,au manque de volonté et de courage politique. Vu le contexte national et international, le retour de TRUMP au pouvoir aux USA, l’élection de Javier MILEI en Argentine, celle de Viktor ORBAN en Hongrie et même les déclarations du ministre de l’Intérieur français, nous en venons à devoir affirmer notre soutien à l’état de droit devant les attaques répétées et de plus en plus décomplexés qu’il subit.

Ces dérives idéologiques qui visent à détricoter de manière brutale et chaotique les services publics et affaiblir le poids de l’Etat devraient tous nous alerter. C’est notre démocratie qui est menacée. D’autant plus qu’une autre menace se profile : les restrictions budgétaires imposées par l’Etat aux collectivités.

Nous sommes bien placés pour en savoir quelque chose ici parce que nous sommes l’échelon le plus impacté par ces mesures. Et si nous sommes réunis ce jour, c’est bien pour décider d’un ajustement du budget du Département suite au vote de la loi de finance 2025.

Le gel de la dynamique de TVA et l’instauration d’une année blanche conduiront à affecter en 2025 le même produit que celui versé en 2024 à ce titre.

Pour le Département, cela représente une baisse de 7M€.

Des dépenses supplémentaires sont au programme : une contribution de 1.4M€ au titre d’un dispositif de lissage conjoncturel des recettes et une hausse des cotisations retraites des agents qui représente cette année 1.4M€ supplémentaires.

Quelques recettes nouvelles sont attendues, notamment celles qui résulteront du relèvement de 0.5 point du taux de DMTO, les Droits de Mutation à Titre Onéreux, autrement dit les frais de notaires, dont une part importante revient aux départements. Nous tenons d’ailleurs à souligner que la proposition que vous défendez aujourd’hui porte un coup à votre dogme anti-impôt.

Mais comment se passer de 3M€ supplémentaires quand on doit faire face, dans le même temps, à des besoins de plus en plus importants et à des recettes en baisse ?

Mon collègue Claude DALLAVALLE y reviendra au moment du rapport associé, car il porte la mémoire de la dernière décision de cette nature par cette assemblée, datant de 2014.

Malheureusement, cette hausse ne suffit pas à compenser la baisse du budget du Département.

Vous évaluez l’effort qu’il reste à faire à 9M€, que vous partagez entre une baisse de 1.5M€ du budget de fonctionnement et de 7.5M€ du budget investissement.

Il y a peu de marge en fonctionnement, mais vous proposez notamment 500.000 € d’économies en réduisant le recours aux contractuels pour remplacer des agents en arrêts, vous supprimez les contrats aidés pour gagner 250.000 €.

Et puis il y a cette baisse, scandaleuse, qui provoque beaucoup d’émoi : – 250.000 € sur le budget de la prévention spécialisée.

Au nom de l’ensemble du  groupe, je tiens à exprimer notre pleine solidarité envers les travailleurs sociaux, les professionnels de la protection de l’enfance et les salariés de l’ADDSEA qui manifestent en ce moment devant le siège du Département et qui sont abasourdis par votre décision.

Cette fois la baisse ne passe pas inaperçue, contrairement à celle de plus de 200.000 € que vous avez votée avec le budget primitif lors de la dernière Assemblée.

En rayant d’un trait de plume 17% du budget de la prévention spécialisée, vous lui portez un coup qui peut s’avérer mortel.

L’ADDSEA, à qui le Département délègue cette politique, n’a pas d’autres choix que de répercuter cette baisse en supprimant des postes. Certainement 12 éducateurs de rue sur les 38 qui vont à la rencontre des jeunes dans les quartiers prioritaires de Besançon, de Montbéliard et de Pontarlier.

Leur métier, c’est de tisser du lien pour éviter à certains jeunes de connaitre le décrochage scolaire, la délinquance, débloquer des situations familiales complexes, permettre un accès à la santé, favoriser l’accès aux formations, à l’insertion professionnelle, etc. En somme, prévenir plutôt que guérir, agir avant qu’il ne soit trop tard.

Ne voyez-vous pas de bénéfices à maintenir des adultes auprès de ces jeunes avant qu’ils ne basculent ?

Pour nous c’est une évidence. Nous devons au contraire augmenter les moyens de prévention pour épargner à des centaines d’enfants une entrée dans d’autres dispositifs de protection plus éprouvant pour eux, plus couteux pour la collectivité et de toute façon saturés.

Vous forcez l’ADDSEA à se séparer d’un tiers de ses effectifs de prévention spécialisée,

Vous les forcez à choisir quels quartiers et quels jeunes elle devra abandonner.

Vous aggravez les problèmes de la société pour une économie de court terme presque insignifiante pour le Département, mais qui risque de lui couter très chère dans le futur.

C’est indigne et irresponsable !

Comment pouvez-vous affaiblir la protection de l’enfance de la sorte avec un tel arbitrage, si brutal, si choquant ?

Plus qu’une justification, c’est la reconnaissance de votre faute que nous sommes très nombreux à attendre aujourd’hui. Nous vous le demandons avec force Madame la Présidente : renoncez à cette décision et considérez mieux vos priorités et vos arbitrages budgétaires.

Votez avec nous l’amendement que nous vous avons envoyé : Il s’agit de préserver la prévention spécialisée, qui est une compétence obligatoire des Départements.

Notre amendement est très simple, il n’a aucune incidence sur le budget et consiste à annuler cette coupe pour la remplacer par une baisse du budget d’aide à l’immobilier d’entreprise.

Cette politique est une volonté de votre part, ce n’est en aucun cas une compétence obligatoire des départements. Ce n’est ni plus ni moins que du saupoudrage économique et du gaspillage d’argent public que nous dénonçons depuis que vous l’avez instauré.

Vous préférez mettre en avant l’aide accordée aux petits commerces de proximité en zone rurale pour en vanter l’intérêt. Mais la réalité, c’est que l’enveloppe de 3.7 M€ du programme « développement économique 23-26 » est distribué presque entièrement à des entreprises qui n’ont pas forcément besoin de l’aide de notre collectivité.

Plutôt que de supprimer 450.000 € d’un financement essentiel, nous vous demandons de renoncer immédiatement à cette politique pendant qu’il reste encore 2.1 M€ dans ce programme.

Pour éclairer le débat sur cette question et préciser notre position, il nous semble utile de rappeler quelques exemples de l’affectation de ces fonds décidés lors des Commissions permanentes qui ne sont pas publiques.

  1. 50.000 € à un gros affineur de comté pour accroitre sa capacité de stockage de 30.000 meules.
  2. 14.500 € à la SCI d’un agent immobilier de Morteau pour l’aider à acheter son local.
  3. 50.000 € à une fruitière qui collecte 2.9 millions de litres de lait par an.
  4. 47.500 € à une entreprise dentaire pour la création d’un cabinet, dans ce cas aussi, via une SCI.
  5. 50.000 € à une entreprise sous-traitant de l’industrie du luxe qui génère un chiffre d’affaires de 25M€ et qui a rendu millionnaire son actionnaire unique.

On pourrait citer d’autres cas, nous n’arrivons pas à cerner la pertinence et les critères objectifs qui déterminent le versement de ces aides qui peuvent s’apparenter à une forme de  clientélisme.

Si la protection de l’enfance est vraiment votre priorité, c’est le moment ou jamais de le prouver à tous ceux qui œuvrent dans ce domaine

Notre proposition d’amendement fait preuve de bon sens, et nous faisons appel à la conscience de tous les conseillers départementaux sur ce sujet.

Votons-le ensemble !

Il y a un autre point que l’on aimerait aborder sur le sujet de l’aide à l’enfance, c’est l’appel à projet en cours pour 450 mesures d’AEMOR, les mesures d’Action éducative en milieu ouvert renforcée, qui remplace les PEAD, les Placements éducatifs à domicile.

Nous avons été alertés par les syndicats de certaines structures qui dénoncent une baisse des couts journée par enfant, passant de 75€ par mandat PEAD qui peut concerner plusieurs enfants à 34€ pour une mesure AEMOR qui est individuelle et craignent une baisse de moyens.

Nous aimerions que vous expliquiez un peu ce que cela implique en terme financier pour les structures et en termes de places d’accueil par rapport à l’existant.

Pour revenir à cette décision modificative et évoquer un peu les 7.5M€ d’économies que vous faites sur la partie investissement, nous sommes très inquiets de la baisse de 3 M€ prévue sur la rénovation des collèges, en ne maintenant plus qu’une des 7 opérations programmées.

Vous étiez déjà anormalement très en retard sur ce dossier et vous changez maintenant l’ordre des priorités en privilégiant la rénovation du collège de Sancey.

Mais sur quelles bases cette décision s’appuie-t-elle ? Car jusqu’en 2021 le Plan de Modernisation des Collèges (PMC) établissait les priorités différemment, et ce serait au collège de Seloncourt d’être à son tour rénové.

Nous devons avoir aussi un débat aujourd’hui sur ce sujet, d’autant que vous prévoyez aussi de baisser de 750.000 € le gros entretien et de réparation des collèges.

Je laisserai le soin à mes collègues, de vous faire part de nos interrogations dans le débat qui suivra

Vous avez choisi aussi de faire des économies sur le renouvellement des routes, comme un très grand nombre de départements, puisque cela coute très cher et que cela représente donc un levier évident pour réduire les dépenses de notre collectivité.

Même si cela engendrera des couts de travaux certainement plus importants dans le futur, soyons clair et sincères. A votre place, nous aurions certainement fait pareil.

Nous faisons confiance aux services pour prioriser toujours au plus juste les renouvellements de chaussées, entretient de pont et d’ouvrages d’art.

Merci d’avance pour vos différentes réponses et pour votre attention.

Saupoudrage économique plutôt qu’Aide à l’enfance, la priorité choquante du Département

Alors que le Département prévoit une nouvelle baisse du budget prévention spécialisée de l’Aide à l’enfance de 250.000 € après une première baisse de 204.000 € cette année, nous avons déposé un amendement pour l’annuler et la remplacer par une baisse du budget d’aide à l’immobilier d’entreprise.

L’Assemblée départementale devra donc trancher lundi 24 mars, à budget égal, entre notre proposition et le plan de la majorité qui revient à supprimer 12 postes sur les 38 éducateurs de rue qui assurent le premier maillon de la protection de l’enfance : prévention et rencontre avec les jeunes dans les quartiers prioritaires de Besançon, Montbéliard et Pontarlier.

Choisir délibérément d’affaiblir la protection de l’enfance en amputant un tiers des effectifs de la prévention spécialisée est un arbitrage brutal et choquant. Derrière les discours et le prétendu plan d’urgence ASE voté il y a un an, le Département a en réalité d’autres priorités très éloignées de son cœur de mission.

Dans les faits, le Département préfère s’arroger une compétence facultative de saupoudrage économique en distribuant des aides au bénéfice de quelques entreprises plutôt que de se centrer sur le cœur de ses missions et de ses compétences obligatoires.

Comment Madame Bouquin et ses équipes peuvent-elle justifier le versement de 50.000 € à un gros affineur de comté pour accroitre sa capacité de stockage de 30.000 meules ? De 14.500 € à la SCI d’un agent immobilier de Morteau pour l’aider à acheter son local ? De 50.000 € à une fruitière qui collecte 2.9 millions de litres de lait par an ? De 47.500 € à une entreprise dentaire pour la création d’un cabinet, dans ce cas aussi, via une SCI ? De 50.000 € à une entreprise sous-traitant de l’industrie du luxe qui génère un chiffre d’affaires de 25M€ et qui a rendu millionnaire son actionnaire unique ?

On pourrait multiplier les cas, nous n’arrivons pas à cerner la pertinence et les critères objectifs qui déterminent le versement de ces aides. En tout, le programme « développement économique 23-26 » est dotée d’une enveloppe de 3.7 M€. Souvent présenté comme un dispositif de soutien aux petits commerces en zone rurale, il est en réalité presque entièrement dédié au volet « immobilier d’entreprise ». Tout n’est pas perdu, il reste encore 2.1 M€ qui n’ont pas encore été dépensé.

Voilà, parmi d’autres, une piste d’économie conséquente pour le Département si la protection de l’enfance était vraiment pour lui une priorité.

Un budget 2025 au seuil de la rupture

Commentaires sur le rapport de présentation générale du Budget prévisionnel 2025 du Département du Doubs

Baisse de l’épargne brute en 2025 pour atteindre 37 M€ alors qu’elle était encore de 44 M€ au BP 2024, soit une chute de plus de 15% en un an malgré le plan de rigueur et d’austérité que vous avez mis sur pied. Et cela avant les dispositions redoutées prévues dans le projet de loi de finances à venir.

En conséquence, notre taux d’épargne brute, déterminé par le rapport entre l’épargne brute et nos recettes de fonctionnement qui permet d’analyser la santé financière d’une collectivité est historiquement faible et s’écroule à 6.3%. Vous pointer le fait que l’on est en dessous du seuil de vigilance de 10%. Vous minimiser la situation, parce que nous avons en fait dépassé le seuil d’alerte fixé à 7%…

Nous n’avions déjà plus beaucoup de marges de manœuvres en perdant notre autonomie fiscale et au regard de nos missions de service public, mais avec cette situation financière dégradée, qui « s’effondre » et « s’écroule » comme vous le mentionnez dans ce rapport, elle se réduit presque à néant.

Cette réalité financière tranche avec les chiffres que vous mentionnez dans votre tribune du dernier VDD. Vous écrivez, et je vous cite : « Heureusement notre majorité a fait preuve de sérieux budgétaire et a réduit la dette de près de 20% en 9 ans pour préserver notre capacité d’investissement, après avoir hérité d’une situation financière dégradée par la précédente majorité de gauche » !

Avez-vous un problème avec les chiffres ou avec la vérité ? Nous avons déjà dû démentir votre bilan que vous avez présenté à la presse du nombre de blessés et de morts après le passage au 90 km/h. Parce que nous avez fait les calculs. Quand on compare l’encours de la dette entre 2014 et 2023, ou entre 2015 et 2024, on n’est pas à -20%, mais plutôt à -13%.

Et pourquoi n’avoir pas mentionné la capacité de désendettement ? En 2014, elle était de 4.4 années, en 2015 de 4.8 années. En 2023 : 4.5 années et aujourd’hui ? 7 années !

Et ce n’est pas pour préserver notre capacité à investir au cœur de notre champ de compétence que vous avez œuvré à désendetter un peu nos finances jusqu’à cette année. Vous avez choisi de freiner l’investissement nécessaire à notre patrimoine, comme les collèges ou nos propres bâtiments. Et vous continuer à le faire avec ce BP, qui repousse encore les travaux de modernisations de nos collèges et nous courrons le risque de revoir les programmes d’investissements votés ces dernières années.

La réalité, c’est qu’aujourd’hui nous n’avons plus la capacité d’investir. Au fil du temps, nous arrivons aujourd’hui avec 476 M€ d’Autorisations de Programme. Soit autant d’argent que vous avez mis sur la table mais qui ne sont pas encore dépensé. Pour cette année, vous n’avez pas voulu inscrire d’AP au-delà de 2025 et vous engagez 85 M€ de crédit de paiement, soit l’argent qui sera vraiment dépensé en 2025.

A ce rythme, il nous faudrait 5 ans et demi pour finaliser ces différents programmes. Ce qui nous amène au-delà de votre mandat. Pouvez-vous nous dire aujourd’hui que tout sera bien réalisé ? N’allez-vous pas être contraint à des renoncements importants ?

Pour avoir une lisibilité pluriannuelle de votre action et de vos projections, nous avons besoin de connaitre ce qui est réalisé, et ce qui reste à réaliser et de l’actualisation de vos programmes.

Vous avez aussi désendetté en contraignant la hausse du fonctionnement et cela s’est fait sur la trésorerie de nos partenaires. Sur le mandat de 2015 à 2021 quels étaient les taux directeurs des établissements pour personnes âgées ? pour les personnes handicapées ? pour les enfants confiés ? Ils étaient extrêmement bas : +0%, +0.5%, parfois +1%. Beaucoup trop bas pour faire face à la hausse des besoins.

Depuis l’après COVID et les revalorisations décidées par l’Etat, oui les taux directeurs ont retrouvé un peu de raison. Mais il y a un passif, et cela contraint encore aujourd’hui un certain nombre de structures.

On a aussi pris sur la trésorerie des collèges, on a pris les 7M€ du fond de réserve DMTO cette année, notre dépôt au Trésor est parmi les plus faibles à l’habitant, et on va prendre cette année sur la trésorerie du COS. L’Etat nous assèche et nous nous asséchons nos partenaires ?

Alors certes, cela n’est ni la vocation des collèges ou du COS de mettre de l’argent de côté. Mais quand plus personne n’aura de trésorerie, qu’allons-nous faire ? Nous n’aurons plus aucune marge de manœuvre. L’Etat nous assèche et nous asséchons nos partenaires ? Soit directement, soit en retardant les paiements aux structures et aux associations ? En baissant les subventions aux associations ?

Les seuils de vigilance et d’alerte sont dépassés, pour nous mais peut-être surtout pour nos partenaires, ceux qui font vivre nos politiques de solidarité, nos EHPAD, le secteur du maintien à domicile, les structures liées au handicap, à l’insertion, aux jeunes, à tous ceux qui irriguent le territoire de sport, de culture, de vivre ensemble. Non seulement les seuils de vigilance et d’alerte sont dépassés, mais c’est maintenant le seuil de rupture que nous devons craindre.

Liminaire du BP 2025

Discours Liminaire prononcé le 16 décembre 2024 par Raphaël KRUCIEN en ouverture de l’Assemblée Départementale consacrée au budget prévisionnel 2025

Madame la Présidente, chers collègues,

Ce budget prévisionnel 2025 est un peu spécial. Et pour cause, ni vous, ni personne, ne connaissez le montant des dotations que l’Etat versera au Département l’année prochaine.

C’est une situation particulière.

Car chacun en conviendra, construire un budget sans avoir une idée claire de ses recettes est un exercice périlleux. Forcément incertain.

Il y a deux mois, au moment de débattre des orientations budgétaires, nous vous avions demandé de le repousser. D’attendre le vote de la loi de finances avant de finaliser un budget correspondant à la réalité plutôt que d’en adopter un qui serait immédiatement caduc.

Beaucoup de collectivités ont décidé de reporter ce vote en attendant de connaitre le sort que l’Etat leur réserverait.

Mais force est de constater que, mi-décembre, nous n’avons toujours aucune visibilité…

Pire, rien ne permet de dire qu’une clarification verra le jour dans les prochaines semaines ou les prochains mois alors que vous aviez décidé d’une solution alternative : soumettre au vote une décision modificative exceptionnelle en février censée prendre en compte l’impact de la loi de finances.

D’ailleurs, peut-être faudra-t-il l’attendre encore un bon moment…

Le déroulement des événements donne finalement raison à votre stratégie, en tout cas pour le moment… Il faut savoir le reconnaitre.

Il faut avancer. On ne peut pas se permettre d’ajouter du flou au flou, nous avons le devoir d’être au rendez-vous de nos citoyens. Donner un cap comme vous vous plaisez à la dire.

Même dans le brouillard. Même si la machine de l’Etat s’enraye et qu’il n’a pas la capacité de voter lui-même son budget.

L’énorme problème, c’est que votre cap ne répond pas aux besoins.

Certaines politiques, certains soutiens, certains dispositifs, certaines associations, certaines personnes, et les plus faibles notamment, seront fatalement victimes de cette tempête financière

La situation budgétaire du Département est dans le rouge, et proche du noir. Le paquebot prend l’eau de toute part. Pour éviter le naufrage, vous actez un plan de rigueur, que vous appelez plan de maitrise des dépenses.

Ce plan, vous l’avez préparé de longue date. Vous avez même commencé à le déployer dès mars, évidemment sans en faire la publicité à ce moment-là.

Vous avez écopé, opéré un travail de « quoi qu’il en coupe » qui vous permet aujourd’hui de présenter avec fierté un budget identique au quasi-CA 2024 en volume de recettes et de dépenses.

Un budget qui stagne donc avec des investissements en baisse alors que nos besoins augmentent. Un budget qui pourrait en plus se voir amputer en plus de 25M€ si le gouvernement Bayrou suivait celui de Barnier.

Vous savez, la dette et le déficit nous préoccupe aussi.

Mais ce qui nous préoccupe davantage encore, c’est de rendre le monde vivable pour nos enfants.

La dette n’est pas juste un indicateur comptable pour les marchés financiers ou les agences de notation, c’est l’instrument indispensable pour servir l’avenir. Et nous savons que le sujet de l’enfance nous occupera beaucoup.

Malheureusement, les choix que vous faites aujourd’hui empêchent la collectivité de se projeter vers l’avenir. Chose sans doute inédite, on ne s’apprête à voter des autorisations de programme ou d’engagement que pour l’année qui vient. Et on reporte les décisions nécessaires pour mettre en œuvre un programme voté : les rénovations des collèges. Pierre angulaire de notre plan climat et témoignage de respect à l’égard de nos enfants.

Pour vous, l’horizon s’arrête à 2025. On navigue à vue, contraint par un mauvais courant sans penser au futur. Vous construisez un budget d’insécurité, sans vision, avec pour seule boussole la cure d’austérité que vous souhaitez imposer aux Doubiennes et aux Doubiens.

Certes, vous avez un stock d’AP résiduelles conséquente. Mais nous sommes très inquiets sur ce point.

N’est-il pas trop conséquent ? Nous craignons que vos dépenses faramineuses sur d’autres programmes empêchent la collectivité d’agir sur l’essentiel. Vous renoncez déjà avec ce budget à certains crédits qui auraient dû être affecté à la rénovation des collèges ou au Fonds Additionnel Transition Climatique et Energétique, qui nous apparait comme potentiellement délaissé sur l’hôtel de la rigueur.

Or, c’est cette dette-là, qui sert l’avenir. Certainement pas les investissements pour des projets du passé ou qui relèvent du faste et de l’accessoire

Ce budget c’est un peu votre constat d’échec. Vous n’avez plus les moyens de vos ambitions et vous subissez en plus les choix de ceux qui veulent imposer l’austérité à l’ensemble du pays. Vous affichez même avec fierté votre démarche de politique de rigueur qui conduit à une économie de 30M€.

Pour garder la face, tenter de conjurer un asséchement plus grand encore, vous vous déclarez en résistance. Mais en résistance contre qui exactement ?

En résistance contre l’Etat et son éphémère gouvernement Barnier qui voulait amputer les recettes de notre département de 25 M€ supplémentaires ?

Doit-on vous rappeler qu’il s’agit de votre propre famille politique qui se pense légitime à gouverner la France avec 6% des voix aux législatives ?

Nous avons un nouveau premier ministre depuis vendredi, François Bayrou qui devrait s’inscrire dans la même logique, Est-ce que vous allez poursuivre votre résistance ?

A bien y penser, c’est quand même incroyable de songer que vous vous plaignez de subir les conséquences directes du marqueur le plus emblématique de l’idéologie de votre courant politique : la baisse de la fiscalité à tout prix. Cela n’a jamais été autant si décalé par rapport à notre réalité. Mais votre camp politique persiste.

Alliée des Macronistes, la droite française se bat avec constance pour diminuer toujours plus les impôts et en particulier ceux des plus fortunés du pays

Forcément, les recettes en pâtissent comme le montrent les chiffres depuis 2017. On se prive de capitaux indispensables pour garantir notre modèle social et engager les dépenses nécessaires à l’adaptation au changement climatique.

Et avec moins de recettes, nous n’avons que deux choix : vivre au-dessus de nos moyens avec la dette ou dépenser moins. Aujourd’hui, c’est vers la rigueur et l’austérité que l’on tend.

Alors que comptez-vous faire ? Quelle est votre vision ? Tout dégrader d’années en années ?

Regarder ligne par ligne les économies que l’on peut faire en bon comptable alors que l’on est déjà au bord de la rupture ?

Allez-vous suspendre le versement du RSA et arrêter la prise en charge des nouveaux mineurs accompagnés au 1er janvier si l’Etat ne revient pas sur les ponctions budgétaires prévues en 2025 comme vous l’avez annoncé avec tous les départements de droite ?

Voulez-vous vraiment organiser l’insécurité sociale et pointer les migrants comme responsables de notre situation budgétaire ?

Ou alors préférez-vous peut-être faire appel au mécénat pour assurer les missions de service public dont vous avez la charge, comme vous le proposez de manière hallucinante avec la politique de l’enfance ? C’est ça votre modèle ? Inciter à la charité comme au XIXème siècle plutôt que de réclamer plus de justice fiscale et sociale comme le réclame l’écrasante majorité de nos concitoyens ?

Nous n’avons clairement pas la même idée de l’avenir.

Rien n’est facile ni complétement prévisible en politique. Mais nous avons une proposition de bon sens à vous faire, une vieille idée toute simple qui permettrait de redonner aux Départements la capacité à assurer le financement de l’ensemble de leurs compétences : créer un nouvel impôt sur les hauts patrimoines.

C’est le vœu que nous vous avons présenté ce matin et qui sera débattu en fin de session.

Nous croyons que pour le bien de tous, chacun doit prendre ses responsabilités et dépasser les clivages galvaudés qui sclérose le débat public et nous éloigne des réalités de notre société. Nous sommes d’accord, entrons en résistance oui. Mais pour nous redonner les moyens d’agir avec les bons outils, pas avec des renoncements.

Parce que l’irresponsabilité n’est pas du fait de ceux qui censurent un Gouvernement minoritaire.

L’irresponsabilité vient du plus haut sommet de l’Etat, avec un Président qui n’accepte pas le résultat des urnes et qui s’entête à construire un gouvernement sans légitimité démocratique.

Le responsable de la situation est à l’Elysée. Montrons-lui ensemble que nous sommes capables de trouver des solutions nouvelles avant qu’il ne soit trop tard, et que l’on perde totalement notre crédit déjà bien abîmé.

Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à vivre ensemble dans le présent et dans le futur. La responsabilité, c’est répondre à l’intérêt supérieur de la Nation. Et donc ouvrir le chantier de la justice fiscale dans le pays.

Alors oui c’est très dur de gérer un département sous un gouvernement de droite.

C’est dur pour vous et ce serait également dur pour nous à votre place.

Cette gouvernance provoque l’insécurité.