Liminaire du BP 2025

Discours Liminaire prononcé le 16 décembre 2024 par Raphaël KRUCIEN en ouverture de l’Assemblée Départementale consacrée au budget prévisionnel 2025

Madame la Présidente, chers collègues,

Ce budget prévisionnel 2025 est un peu spécial. Et pour cause, ni vous, ni personne, ne connaissez le montant des dotations que l’Etat versera au Département l’année prochaine.

C’est une situation particulière.

Car chacun en conviendra, construire un budget sans avoir une idée claire de ses recettes est un exercice périlleux. Forcément incertain.

Il y a deux mois, au moment de débattre des orientations budgétaires, nous vous avions demandé de le repousser. D’attendre le vote de la loi de finances avant de finaliser un budget correspondant à la réalité plutôt que d’en adopter un qui serait immédiatement caduc.

Beaucoup de collectivités ont décidé de reporter ce vote en attendant de connaitre le sort que l’Etat leur réserverait.

Mais force est de constater que, mi-décembre, nous n’avons toujours aucune visibilité…

Pire, rien ne permet de dire qu’une clarification verra le jour dans les prochaines semaines ou les prochains mois alors que vous aviez décidé d’une solution alternative : soumettre au vote une décision modificative exceptionnelle en février censée prendre en compte l’impact de la loi de finances.

D’ailleurs, peut-être faudra-t-il l’attendre encore un bon moment…

Le déroulement des événements donne finalement raison à votre stratégie, en tout cas pour le moment… Il faut savoir le reconnaitre.

Il faut avancer. On ne peut pas se permettre d’ajouter du flou au flou, nous avons le devoir d’être au rendez-vous de nos citoyens. Donner un cap comme vous vous plaisez à la dire.

Même dans le brouillard. Même si la machine de l’Etat s’enraye et qu’il n’a pas la capacité de voter lui-même son budget.

L’énorme problème, c’est que votre cap ne répond pas aux besoins.

Certaines politiques, certains soutiens, certains dispositifs, certaines associations, certaines personnes, et les plus faibles notamment, seront fatalement victimes de cette tempête financière

La situation budgétaire du Département est dans le rouge, et proche du noir. Le paquebot prend l’eau de toute part. Pour éviter le naufrage, vous actez un plan de rigueur, que vous appelez plan de maitrise des dépenses.

Ce plan, vous l’avez préparé de longue date. Vous avez même commencé à le déployer dès mars, évidemment sans en faire la publicité à ce moment-là.

Vous avez écopé, opéré un travail de « quoi qu’il en coupe » qui vous permet aujourd’hui de présenter avec fierté un budget identique au quasi-CA 2024 en volume de recettes et de dépenses.

Un budget qui stagne donc avec des investissements en baisse alors que nos besoins augmentent. Un budget qui pourrait en plus se voir amputer en plus de 25M€ si le gouvernement Bayrou suivait celui de Barnier.

Vous savez, la dette et le déficit nous préoccupe aussi.

Mais ce qui nous préoccupe davantage encore, c’est de rendre le monde vivable pour nos enfants.

La dette n’est pas juste un indicateur comptable pour les marchés financiers ou les agences de notation, c’est l’instrument indispensable pour servir l’avenir. Et nous savons que le sujet de l’enfance nous occupera beaucoup.

Malheureusement, les choix que vous faites aujourd’hui empêchent la collectivité de se projeter vers l’avenir. Chose sans doute inédite, on ne s’apprête à voter des autorisations de programme ou d’engagement que pour l’année qui vient. Et on reporte les décisions nécessaires pour mettre en œuvre un programme voté : les rénovations des collèges. Pierre angulaire de notre plan climat et témoignage de respect à l’égard de nos enfants.

Pour vous, l’horizon s’arrête à 2025. On navigue à vue, contraint par un mauvais courant sans penser au futur. Vous construisez un budget d’insécurité, sans vision, avec pour seule boussole la cure d’austérité que vous souhaitez imposer aux Doubiennes et aux Doubiens.

Certes, vous avez un stock d’AP résiduelles conséquente. Mais nous sommes très inquiets sur ce point.

N’est-il pas trop conséquent ? Nous craignons que vos dépenses faramineuses sur d’autres programmes empêchent la collectivité d’agir sur l’essentiel. Vous renoncez déjà avec ce budget à certains crédits qui auraient dû être affecté à la rénovation des collèges ou au Fonds Additionnel Transition Climatique et Energétique, qui nous apparait comme potentiellement délaissé sur l’hôtel de la rigueur.

Or, c’est cette dette-là, qui sert l’avenir. Certainement pas les investissements pour des projets du passé ou qui relèvent du faste et de l’accessoire

Ce budget c’est un peu votre constat d’échec. Vous n’avez plus les moyens de vos ambitions et vous subissez en plus les choix de ceux qui veulent imposer l’austérité à l’ensemble du pays. Vous affichez même avec fierté votre démarche de politique de rigueur qui conduit à une économie de 30M€.

Pour garder la face, tenter de conjurer un asséchement plus grand encore, vous vous déclarez en résistance. Mais en résistance contre qui exactement ?

En résistance contre l’Etat et son éphémère gouvernement Barnier qui voulait amputer les recettes de notre département de 25 M€ supplémentaires ?

Doit-on vous rappeler qu’il s’agit de votre propre famille politique qui se pense légitime à gouverner la France avec 6% des voix aux législatives ?

Nous avons un nouveau premier ministre depuis vendredi, François Bayrou qui devrait s’inscrire dans la même logique, Est-ce que vous allez poursuivre votre résistance ?

A bien y penser, c’est quand même incroyable de songer que vous vous plaignez de subir les conséquences directes du marqueur le plus emblématique de l’idéologie de votre courant politique : la baisse de la fiscalité à tout prix. Cela n’a jamais été autant si décalé par rapport à notre réalité. Mais votre camp politique persiste.

Alliée des Macronistes, la droite française se bat avec constance pour diminuer toujours plus les impôts et en particulier ceux des plus fortunés du pays

Forcément, les recettes en pâtissent comme le montrent les chiffres depuis 2017. On se prive de capitaux indispensables pour garantir notre modèle social et engager les dépenses nécessaires à l’adaptation au changement climatique.

Et avec moins de recettes, nous n’avons que deux choix : vivre au-dessus de nos moyens avec la dette ou dépenser moins. Aujourd’hui, c’est vers la rigueur et l’austérité que l’on tend.

Alors que comptez-vous faire ? Quelle est votre vision ? Tout dégrader d’années en années ?

Regarder ligne par ligne les économies que l’on peut faire en bon comptable alors que l’on est déjà au bord de la rupture ?

Allez-vous suspendre le versement du RSA et arrêter la prise en charge des nouveaux mineurs accompagnés au 1er janvier si l’Etat ne revient pas sur les ponctions budgétaires prévues en 2025 comme vous l’avez annoncé avec tous les départements de droite ?

Voulez-vous vraiment organiser l’insécurité sociale et pointer les migrants comme responsables de notre situation budgétaire ?

Ou alors préférez-vous peut-être faire appel au mécénat pour assurer les missions de service public dont vous avez la charge, comme vous le proposez de manière hallucinante avec la politique de l’enfance ? C’est ça votre modèle ? Inciter à la charité comme au XIXème siècle plutôt que de réclamer plus de justice fiscale et sociale comme le réclame l’écrasante majorité de nos concitoyens ?

Nous n’avons clairement pas la même idée de l’avenir.

Rien n’est facile ni complétement prévisible en politique. Mais nous avons une proposition de bon sens à vous faire, une vieille idée toute simple qui permettrait de redonner aux Départements la capacité à assurer le financement de l’ensemble de leurs compétences : créer un nouvel impôt sur les hauts patrimoines.

C’est le vœu que nous vous avons présenté ce matin et qui sera débattu en fin de session.

Nous croyons que pour le bien de tous, chacun doit prendre ses responsabilités et dépasser les clivages galvaudés qui sclérose le débat public et nous éloigne des réalités de notre société. Nous sommes d’accord, entrons en résistance oui. Mais pour nous redonner les moyens d’agir avec les bons outils, pas avec des renoncements.

Parce que l’irresponsabilité n’est pas du fait de ceux qui censurent un Gouvernement minoritaire.

L’irresponsabilité vient du plus haut sommet de l’Etat, avec un Président qui n’accepte pas le résultat des urnes et qui s’entête à construire un gouvernement sans légitimité démocratique.

Le responsable de la situation est à l’Elysée. Montrons-lui ensemble que nous sommes capables de trouver des solutions nouvelles avant qu’il ne soit trop tard, et que l’on perde totalement notre crédit déjà bien abîmé.

Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à vivre ensemble dans le présent et dans le futur. La responsabilité, c’est répondre à l’intérêt supérieur de la Nation. Et donc ouvrir le chantier de la justice fiscale dans le pays.

Alors oui c’est très dur de gérer un département sous un gouvernement de droite.

C’est dur pour vous et ce serait également dur pour nous à votre place.

Cette gouvernance provoque l’insécurité.

Discours liminaire de Magali Duvernois

Madame la Présidente,

Mesdames et Messieurs les Conseillers départementaux, chers collègues,

J’étais tentée de commencer ce liminaire par « on vous l’avait bien dit » et reprendre cette expression comme un leitmotiv tant ce qui nous arrive aujourd’hui était prévisible.

En effet, on nous répète souvent qu’il faut parler de politique locale et oublier la politique nationale. Mais soyons clairs : en ce jour, où nous devons débattre des orientations budgétaires pour 2025 ; nous ne pouvons plus l’ignorer : les décisions prises à Paris ont des conséquences directes sur notre budget ici, dans le Doubs. Le gouvernement nous demande 5 milliards d’économies. Ce n’est rien de moins que le résultat d’une politique fiscale catastrophique menée depuis plusieurs années. Une politique fiscale qui interroge systématiquement les dépenses pour mieux cacher les cadeaux faits aux plus riches.

Prenons un exemple simple. Le gouvernement demande 5 milliards d’économies aux collectivités locales alors que la suppression de la CVAE, cette taxe sur la Valeur Ajoutée des Entreprises représente un manque à gagner de 9 Milliards soit quasiment le double de ce qui est demandé aux collectivités locales. Mme la Présidente, chers collègues de la majorité, nous aurions pu croire en votre indignation face aux efforts demandés aux collectivités mais, mais, lorsque nous vous avions proposé une motion dénonçant la suppression de cette taxe, vous aviez refusé de la voter en arguant le fait qu’il fallait laisser le gouvernement, votre gouvernement  de droite puisqu’il avait promis de compenser cette perte pour les collectivités …. Nous voyons le résultat un an après  !!!!

Force est de constater que cette promesse n’a pas été tenue et que c’est nous, collectivités locales, qui payons aujourd’hui le prix de ces choix.

Plutôt que de toujours chercher des économies, pourquoi ne parle-t-on jamais des recettes ? Pourquoi ne pas revenir à une fiscalité plus juste, en imposant davantage les plus riches, qu’il s’agisse des ménages ou des grandes entreprises ? C’est par cette voie que nous pourrions réellement financer les politiques publiques dont notre pays a besoin, et non en étranglant les collectivités.

Nous devons arrêter cette politique fiscale qui a vu progressivement les plus riches et les grandes entreprises payer de moins en moins d’impôts : faut-il rappeler la suppression de l’ISF, l’instauration de la FlatTax et la CVAE dont je viens de parler… Ainsi, l’Observatoire des inégalités, confirme que les 500 plus grandes fortunes ont vu leur patrimoine multiplié par 4 en 10 ans, que les 10 premiers Milliardaires ont vu leur fortune doublée oui doublée depuis 2017 ; les plaçant ainsi parmi les plus riches au monde. Dans le même temps, le taux de pauvreté a augmenté atteignant 14,5 % , touchant notamment les jeunes et les familles modestes. Les enfants de moins de 18 ans étant particulièrement touchés avec un taux de 20,4 % . Et aujourd’hui, comble du cynisme, ce sont toutes ces personnes fragiles qui risquent d’être encore plus fragilisées. 

En effet, il est important de rappeler que les départements supportent aujourd’hui plus de 40 % de l’effort demandé aux collectivités territoriales. Cet effort, disproportionné, met en péril nos politiques de solidarité. Ne l’oublions pas, c’est le département qui gère le RSA, la protection de l’enfance, l’aide aux personnes handicapées et aux personnes âgées.

 En fragilisant ces budgets, ce sont ces citoyens que nous abandonnons. Ce sont les personnes les plus précaires que nous pointons du doigt comme boucs émissaires.

Et ne faisons pas l’erreur de les stigmatiser davantage. On parle souvent de fraude sociale, mais rappelons les chiffres : la fraude aux prestations sociales représente 1,1 milliard d’euros, contre 15,2 milliards pour la fraude fiscale. Où est le vrai scandale ? Et pourtant, près de 30 % des ayants droit n’accèdent même pas aux prestations sociales qui leur sont dues, notamment 34 % pour le RSA et 50 % pour le minimum vieillesse. Ce sont 4 milliards d’euros en 2022 qui ne sont pas réclamés.

Cette politique d’austérité brutale alimente également la montée de l’extrême droite. Le Rassemblement National, loin de défendre les collectivités locales, a demandé encore plus d’efforts de leur part. Ils ont proposé 15 milliards d’économies supplémentaires pour les collectivités locales lors de la présentation de leur contre-budget à l’Assemblée Nationale. Cette surenchère d’austérité fragilise encore plus nos territoires et nos services publics, tout en nourrissant un discours populiste dangereux. Et comble de l’immoralité, le RN attise la haine des plus fragiles pour récupérer leurs voix alors que ce sont eux qui les plongent dans une précarité toujours plus grande.

Le sacrifice de nos politiques publiques fait ainsi craindre le pire pour l’avenir, y compris la poursuite de la montée des extrêmes. Et n’oublions pas, cette cure d’austérité drastique fait peser une menace sur l’existence même des départements.

 Le gouvernement ne cache plus son intention de réduire le rôle des départements, voire de les supprimer à terme. Cette disparition signifierait la fin d’un échelon essentiel pour la solidarité dans notre pays.

Nous assistons donc à la suppression des filets de sécurité, renforcée par la suppression massive de postes, que ce soit dans la fonction publique d’État ou au niveau local. 4 000 postes d’enseignants disparaîtront au niveau national, et ici dans le Doubs, on parle de ne pas remplacer 45 postes. Comme si les fonctionnaires n’étaient qu’une variable d’ajustement, alors même qu’ils sont au cœur de notre réponse à la crise sociale tout comme ils l’ont été au moment de la crise sanitaire. Leur travail est essentiel, mais aujourd’hui, on les sacrifie sur l’autel de la rigueur budgétaire.

Au niveau départemental, certains services sont déjà en souffrance et nécessitent plus de personnel, et non moins. Nous arrivons à un point où vous proposez lors d’un rapport de ne plus assurer des missions cruciales comme la sécurité sur nos routes et nous verrons que cette décision risque de mettre en danger des salariés doubiens. Cela est inacceptable.

Cette séance sera aussi l’occasion d’aborder le budget alloué aux collèges. Je tiens à avoir ici une pensée pour notre collègue, Rémi Nappey, qui en 2017, s’opposait fermement, au nom de notre groupe, à la décision de transférer la gestion de la viabilisation énergétique aux établissements scolaires. Aujourd’hui, 7 ans après, vous revenez en arrière ! Là encore je pourrai à nouveau rappeler « on vous l’avait bien dit » !

Alors, chers collègues de la majorité, quand certains d’entre vous abordent quelquefois un air condescendant à notre égard, peut-être serait-il bien d’  écouter nos propositions et nos remarques.

 En 2017, on nous disait que cela responsabiliserait les chefs d’établissement, comme si ces derniers étaient enclins à gaspiller l’argent public. Mais au final, le département a dû faire face à une inflation record des coûts de l’énergie, avec une moindre capacité à réaliser des achats groupés.

Combien cela nous a-t-il coûté ?   Ce sont ces décisions hasardeuses qui ont fragilisé nos finances publiques.

En conclusion, mes chers collègues, nous attendons peu de choses concernant ce débat sur les orientations budgétaires tant que nous n’aurons pas une véritable politique fiscale juste et équitable au niveau national, tant que nous ne retrouverons pas nous, collectivités, une indépendance fiscale. Nous n’avons même plus à arbitrer entre telles ou telles orientations budgétaires puisque nous n’avons plus la capacité budgétaire de mener de réelles politiques publiques.

Je vous remercie

Un clivage affirmé entre gauche et droite sur la politique départementale

Lors de cette Assemblée départementale, nous avons pu rappeler notre ferme opposition au vote d’une nouvelle enveloppe de 2 M€ au SMMO, le syndicat qui gère la station de ski de Métabief. Pour nous, cette rallonge budgétaire est un acte d’irresponsabilité de la majorité qui s’entête à financer quasiment seule une station de ski de moyenne montagne condamnée par des hivers de moins en moins enneigés. Surtout, cela se fait au détriment du soutien aux habitants qui en ont le plus besoin.

Ce choix budgétaire est en soi le signe d’un clivage politique entre une droite qui préfère subventionner un investissement de prestige voué à l’échec plutôt que de se concentrer sur les prérogatives et les compétences obligatoires d’un exécutif départemental : le social, le soutien aux personnes âgées et handicapés, etc.

Parallèlement, la majorité départementale est incapable d’imaginer un autre horizon que la perspective d’une rigueur budgétaire. Nous, nous pensons que des ressources supplémentaires doivent être trouvées pour répondre aux besoins de nos concitoyens via les collectivités. Attaqués grossièrement sur la question des impôts, les élus du groupe DSES réaffirment leur soutien à une politique de hausse de la fiscalité sur les profits, les produits financiers et les hauts revenus.

La défense du pouvoir d’achat des classes moyennes et des plus précaires n’est pas un sujet non plus pour les élus de droite. Ils ont refusé une motion déposée par les élus DSES qui visait à préserver le revenu des agents de la collectivité en congé de longue maladie. Pire, ils n’ont même pas voulu débattre de la situation d’agents du Département qui se battent contre la maladie et qui se verront, dès le 1er juillet, amputé d’une partie de leur salaire.

Dans le contexte national inquiétant que nous connaissons, les élus du DSES soutiennent sans ambiguïté le projet défendu par le Nouveau Front Populaire. Conscients de la gravité du moment, les partis de gauche ont su s’unir face au péril de l’extrême droite. A ce titre, Magali Duvernois se confronte avec courage contre le Rassemblement National. On ne peut pas en dire autant de la droite qui se fracture et qui perd ses repères quand le numéro 2 du parti Les Républicains dans le Doubs se présente sous la bannière de l’extrême droite et que la droite ne présente aucun candidat dans l’une des deux circonscriptions de Besançon.

Discours liminaire du 18 mars 2024

Comme vous l’avez rappelé Madame la Présidente, saluons tout d’abord l’intronisation officielle de Pays de Montbéliard Agglomération comme capitale française de la culture 2024.

Souhaitons que le Joyeux Bazar de l’inauguration marque une année riche pour le nord de notre département que manifestement au vu de certains commentaires entendus dans la presse nationale, certains ne s’attendaient pas à voir sur ce terrain-là ! Mais la culture, ce n’est pas qu’à Paris et ceux qui connaissent le territoire savent qu’ils regorgent de talents.

Nous tenions également à saluer le destin d’un immigré arménien qui ne s’attendait certainement pas non plus à reposer au Panthéon, 80 ans après sa mort.

Missak Manouchian, dont la Nation toute entière a choisi d’honorer la mémoire. Un grand résistant dont le courage et l’engagement ont marqué notre histoire.

Son entrée au Panthéon, avec sa femme Melinée, elle aussi résistante, n’est pas seulement un symbole de reconnaissance, c’est un rappel de la lutte incessante contre l’oppression et l’injustice que nous devons mener.

Il est déplorable à cet égard que certains choisissent de s’offusquer de la vue de drapeaux communistes, symboles même de la résistance de Manouchian, tout en restant silencieux sur le véritable problème : la présence de l’extrême droite à cet hommage. Une extrême droite qui s’est imposée à la cérémonie officielle bien que jugée indésirable par les proches de celui dont il s’agissait d’honorer la mémoire.

L’extrême droite contre laquelle il se battait, qui l’a fusillé, lui et nombre de ses camarades. A l’heure où elle refait surface et quand il s’agissait de célébrer ceux qui avaient le courage de la combattre les armes à la main quand elle imposait sa terreur, la dignité imposerait de ne pas se tromper d’ennemis.

Un autre grand s’en est allé il y a peu.

Robert Badinter, qui a consacré sa vie à la justice et à la défense des droits humains. Son combat contre la peine de mort reste un des piliers de notre démocratie. La France perd un grand homme d’Etat.

L’abolition de la peine de mort a été acté après la dépénalisation de l’avortement en France, combat conforté tout récemment par l’inscription de ce droit dans la Constitution. Mis à part quelques voix, remarquées parfois localement, c’est presque l’ensemble des parlementaires qui se sont unis pour sacraliser ce droit toujours menacé.

Et comment ne pas s’indigner encore quand une chaine de télévision française, prétendument d’information, indique que l’IVG est la première cause de mortalité dans le monde ?

Nous profitons de cet épisode historique pour rappeler, au nom de notre soutien à ce droit fondamental pour les femmes, notre demande formulée en 2018 déjà de voir le Département autoriser le recours à l’IVG médicamenteuse dans ses structures.

C’est une mesure essentielle que vous pourriez mettre en place pour garantir l’accès à ce droit dans des conditions dignes et sûrs dans le Doubs. Car ce n’est pas encore le cas partout en France.

Nous restons fidèles à nos engagements pour la liberté, l’égalité et j’oserai, pour la fraternité. C’est dans cette optique que nous continuerons à nous battre pour une société plus juste et solidaire. Nous sommes minoritaires dans cette Assemblée et nous utilisons les outils à disposition des élus, fussent-ils dans l’opposition.

Nous aurons à débattre aujourd’hui de la troisième Mission d’Information et d’Evaluation que nous proposons. La première concernait l’ADAT et les malversations de son ancien directeur, récemment condamné par la justice, la deuxième sur la pollution des cours d’eau dont nous demandions la mise en place de mesures à même de régler le problème à sa racine.

Aujourd’hui, nous débattrons de la MIE déposée en décembre sur la protection de l’enfance. Personne ne dira le contraire, elles est aujourd’hui dans une situation critique, aussi bien au niveau national que dans le Doubs. Les structures et les modalités d’accompagnements et de placements sont saturées et les conditions de travail si éprouvantes pour les professionnels que certaines structures ne peuvent littéralement plus fonctionner.

Ce sujet est un marqueur, un indicateur très fort de l’état de notre société. Jamais ce service public n’a été autant en tension, jamais autant d’enfants n’ont eu besoin d’être accompagnés ou protégés.

Cette politique publique est essentielle.

Il s’agit pour nous de répondre à la question simple : est-ce que les moyens alloués répondent aux besoins du parcours de l’enfant, de sa naissance à sa prise d’autonomie ? Loin de rechercher une polémique qu’il serait indigne de porter sur un tel sujet, l’enjeu de cette MIE était pour nous de produire un diagnostic partagé de la politique de protection de l’enfance et une évaluation sincère des pratiques départementales.

Seul un bilan complet nous semble en mesure d’étayer de manière exhaustive et sans tabou les difficultés rencontrées sur le terrain pour évidemment déterminer et mettre en œuvre les solutions qui émergeront.

Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais nous vous avons déjà fait part de notre étonnement de voir dans un même rapport un plan d’action et une évaluation de cette même politique sans même en attendre les conclusions.

Nous nous sommes aussi ému publiquement de constater que la MIE soumise au vote aujourd’hui n’est pas celle que nous vous avons envoyé. Pour n’éluder aucune question, nous défendrons au moment de l’examen du rapport un amendement qui nous semble de bon sens : que la MIE puisse fixer son programme en reprenant les différents points de la demande et en ajouter d’autres si besoin.

Je ne m’attarderai pas plus longtemps sur ce sujet, mes collègues y reviendront au moment du rapport.

Il y aussi la création de la SCIC pour le FC Sochaux Montbéliard, symbole de la mobilisation d’un territoire pour un football populaire avec une gouvernance partagée.

Enfin, la campagne électorale pour les élections européennes est lancée, j’invite toutes celles et ceux qui ne se déplacent plus aux bureaux de votes à aller s’inscrire sur les listes électorales.

Jamais dans le monde, les démocratie n’auront autant reculés.

Voter c’est notre liberté.

Liberté individuelle, mais aussi libertés collectives.

Merci de votre écoute.

Désengagement de l’État et protection de l’enfance en danger

C’est la Présidente qui l’annonce elle-même en présentant le budget prévisionnel : « la traversée 2024 ne sera pas de tout repos ». Il y a des causes conjoncturelles bien sûr. Mais c’est bien l’État qui met en péril les collectivités locales avec des dotations qui ne suivent pas l’inflation. C’est l’État qui prive les collectivités de leur autonomie fiscale et qui les assigne à un rôle purement gestionnaire.

Nous partageons ce constat. Nous sommes cependant étonnés qu’une majorité de droite qui peine à mener une politique locale avec toujours moins de moyens reste solidaire des revendications portées au niveau national par leur famille politique : moins d’impôts, moins de fonctionnaires, moins de service public. C’est pourtant bien cette idéologie qui prive notre Département des moyens nécessaires pour proposer un budget répondant aux besoins des Doubiens.

Pour ne citer qu’un seul exemple sur une thématique chère à notre Département, Oxfam France vient de rendre un rapport rapportant que trois niches fiscales relatives au secteur du logement ont coûté près de 11 milliards aux finances publiques en 12 ans. 11 milliards d’euros, de quoi financer plus de 70 000 logements sociaux.

Et dans notre Département, il en manque beaucoup, surtout sur la bande frontalière. Les documents d’urbanisme tablent sur une hausse de 21 800 habitants sur 20 ans. Que font les communes du Haut-Doubs pour soutenir la politique de logement dans un tel climat de tension sur l’offre et les prix ? Pas grand-chose en réalité. La solution que le Département a trouvée dans l’urgence avec les bailleurs sociaux pour loger les plus pauvres est l’installation de Tiny House.

Doit-on se résoudre à voir naitre le plus grand village de Tiny House sur la zone frontalière ou faut-il trouver les moyens de mener une politique de logement digne de ce nom ? Avant 2020, il était possible pour les conseillers départementaux d’interroger les services de l’État, avec la venue du Préfet une fois par an lors d’une Assemblée. Nous souhaitons que cette rencontre revienne à l’ordre du jour du Département.

Avec le désengagement de l’État, c’est la situation catastrophique de la protection de l’enfance qui nous inquiète au plus haut point. Alors qu’il était annoncé dans la presse et aux syndicats une augmentation de 10% du budget du CDEF (Centre Départementale de l’Enfance et de la Famille), la majorité départementale prévoit au contraire une baisse de 1.8% du budget de fonctionnement de cette structure au BP24 comparé à ce qui a été voté en 2023. On se demande comment cela est susceptible d’améliorer les choses alors que le personnel est à bout et se plaint d’un manque de considération de la part des élus de la majorité.

Pour pallier à l’urgence, nous avons formulé plusieurs propositions : deux personnes minimums pour accompagner les enfants confiés dans les maisons la nuit, ce qui n’est pas le cas actuellement et ce qui pose des questions de sécurité grave au personnel. Autres actions concrètes : une prise en charge CMU automatique pour les enfants confiés qui peuvent être refusés par certains médecins faute de documents, et accès au tarif CAF le plus faible pour les centres de loisirs alors qu’actuellement c’est le quotient familial maximum qui leur est appliqué.

Pour faire la lumière sur la politique de la protection de l’enfance menée dans le Département du Doubs, nous demanderons le vote d’une Mission d’Information et d’Évaluation sur le sujet.